Glomdalsbruden - vignette

Édito

 

Mal vu mal dit prend des nouvelles du « cinéma muet ». De ce cinéma « pauvre », qui n’a ni la couleur, ni la parole, qui n’a que les yeux. De ce cinéma qui a pourtant su nous donner à voir et à entendre quelque chose que nous n’avions jamais vu ni entendu.

Tous les films que nous proposerons seront projetés dans le silence. Comme l’écrivait Jean Louis Schefer à son égard :

« Le cinéma, même muet, n’a jamais pu être un cinéma silencieux. C’est plus entièrement un cinéma pris dans le chuchotement (les cartons, par exemple, lus à voix basse aux enfants au cours de projections). Et par ce silence chuchoté dans les premières images, un retour de cette poussière en nous, de cette lumière, de ces corps gris ; comme si un enfant, assis en nous, tenait encore notre main. »

Une programmation proposée par Simon Gaillot et Olivier Geli.


Les Fiancés de Glomdal (Glomdalsbruden)

Carl Theodor Dreyer | 1925 | Norvège | 1h08 | [sous réserve]

D’après deux nouvelles de Jacob Breda Bull.

Les films de Carl Theodor Dreyer se regardent comme des enluminures posées par terre dans un coin au fond d’une pièce. Il faudrait se pencher pour voir, tout comme on se penche dans le jour, dans la lumière profonde du jour qui coule sous l’espacement d’une porte, pour être sûr d’avoir bien vu. Sans cette inclinaison primitive, sans cette ouverture étroite à franchir du regard, qui nécessite une implication consciencieuse, le cinéma de Dreyer ne peut atteindre son miracle. On le tient pour âpre, on se trompe ; Les Fiancés de Glomdal en est la preuve. Quelques idées reçues font que l’on a tendance à corseter son travail dans un geste austère, distant, en amputant souvent une partie de sa filmographie ; on connaît peu ses films comiques (La Quatrième Alliance de Dame MargueriteLe Maître du logis), et moins encore son film d’action (Les Fiancés de Glomdal).

Les Fiancés est une pastorale, qui tient autant du western que des nouvelles de Charles Ferdinand Ramuz. C’est toujours l’histoire d’un empêchement, réduit à peau de chagrin, un amour refusé de deux jeunes fermiers. Deux lignes qui ont tout pour faire monde, affleurent l’une de l’autre par tant de tours et de détours qu’elles se disloquent avant d’avoir pu se réunir (et il faut voir là le génie du montage alterné). C’est le fleuve calme – ou impétueux – qui fait le film. Le scénario garde lui cette épure mythologique ; on ne sait – et ne veut – situer cette histoire dans le temps. Dreyer œuvre en vue d’y incorporer la rumeur de la vie au travail et la force impressive des « scènes de nature », comme les ont si bien filmées les cinéastes suédois des années dix et vingt (Stiller et Sjöström en particulier).

Au commencement il y a une terre à reconquérir, celle de l’enfance de Tore, celle de son amour à recouvrer. Puis, comme souvent dans son œuvre, intervient un refus, là celui de Berit ; Dreyer filme si bien celles qui disent non, ou nient le monde ancien (que l’on pense à Jeanne, Gertrud ou Anne). À la manière des westerns, le jeune couple cherche à retrouver un havre (la ronde de village, les vapeurs des feuilles mortes que l’on brûle dans la tourbière, un ou deux vrais baisers) dans un univers prosaïque. Ces deux jeunes fermiers, dans leur quête, veillent sur nous ; ils nous éloignent de la petite comédie, du petit théâtre, des innocentes illusions ; c’est un drame que l’on connaît par cœur pour l’avoir cent fois lu, vu, ou entendu. C’est une histoire d’occupation, de résistance ; il y a des territoires sur lesquels il faut s’épandre, remettre la terre en friche, œuvrer pour croire à nouveau que les images pourront rendre ses charmes au vent. Et c’est bien assez pour produire un miracle.


Informations pratiques

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La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.

Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).

Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun·e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 6€ et valable sur une année civile.


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