Édito
Mal vu mal dit prend des nouvelles du « cinéma muet ». De ce cinéma « pauvre », qui n’a ni la couleur, ni la parole, qui n’a que les yeux. De ce cinéma qui a pourtant su nous donner à voir et à entendre quelque chose que nous n’avions jamais vu ni entendu.
Tous les films que nous proposerons seront projetés dans le silence. Comme l’écrivait Jean Louis Schefer à son égard :
« Le cinéma, même muet, n’a jamais pu être un cinéma silencieux. C’est plus entièrement un cinéma pris dans le chuchotement (les cartons, par exemple, lus à voix basse aux enfants au cours de projections). Et par ce silence chuchoté dans les premières images, un retour de cette poussière en nous, de cette lumière, de ces corps gris ; comme si un enfant, assis en nous, tenait encore notre main. »
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Une programmation proposée par Simon Gaillot et Olivier Geli.
La grande parade (The Big Parade)
King Vidor | 1925 | États-unis | 2h21
À la suite de L’Isolé, il était difficile de ne pas programmer La Grande Parade de King Vidor tant ces deux films se recoupent et empruntent des routes qui se répondent. L’un est le jumeau naturaliste de l’autre.
On se rappelle ; dans la première séance de Mal vu mal de dit, on assistait à un conte des transformations, qui puisait ses enjeux et son érotisme dans le marais. La guerre était presque évincée mais hantait en filigrane tout le récit. Chez Vidor, on est de l’autre côté du miroir, celui plus dur, plus cru aussi, où l’on se cogne — littéralement — aux « choses ». Les hommes affirment leur désir dans la boue, la vérité se révèle dans le silence des forêts où les soldats s’écroulent comme des arbres en hiver. Mais chez Vidor, la boue est ambiguë comme était trouble l’eau du marais chez Borzage, les désirs sont faits de glaise : ils meurent et renaissent dans les tranchées.
Le film trouve ses meilleurs arguments dans ses ruptures de tons, dans les chemins inattendus qu’il emprunte pour que par contraste (ou saccade), sans couture apparente, l’on passe du screwball au film érotico-comique, du grand film de guerre au drame intimiste. Ainsi, rarement séparations et retrouvailles n’auront été si bien montrées.
La Grande Parade résonne comme un drame psycho-social impur, proposant un cinéma à la fois matérialiste et inexorablement habité par le désir — qui tend à parasiter ce naturalisme. Si le film s’ouvre sur des plans documentaires — dans l’usine (puis la forge), ce n’est pas anodin : on vient y prendre la température de l’Amérique, mais de l’Amérique comme idée, l’Amérique comme désir, celle que l’on espère toujours et que l’on atteint jamais — sauf au cinéma, qui se prête à tous les débordements.
Informations pratiques
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La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.
Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).
Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun·e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 6€ et valable sur une année civile.
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