Ciné-club : Mal vu mal dit #8 | Les espions (Spione) de Fritz Lang
Une programmation proposée par Simon Gaillot et Olivier Geli
Les espions (Spione) de Fritz Lang | 1928 | Allemagne | 2h24
Édito
Mal vu mal dit prend des nouvelles du « cinéma muet ». De ce cinéma « pauvre », qui n’a ni la couleur, ni la parole, qui n’a que les yeux. De ce cinéma qui a pourtant su nous donner à voir et à entendre quelque chose que nous n’avions jamais vu ni entendu.
Tous les films que nous proposerons seront projetés dans le silence. Comme l’écrivait Jean Louis Schefer à son égard :
« Le cinéma, même muet, n’a jamais pu être un cinéma silencieux. C’est plus entièrement un cinéma pris dans le chuchotement (les cartons, par exemple, lus à voix basse aux enfants au cours de projections). Et par ce silence chuchoté dans les premières images, un retour de cette poussière en nous, de cette lumière, de ces corps gris ; comme si un enfant, assis en nous, tenait encore notre main. »
Une programmation proposée par Simon Gaillot et Olivier Geli.
Les espions (Spione)
de Fritz Lang | 1928 | Allemagne | 2h24
D’après le roman Spione de Thea von Harbou
Les Espions, film presque oublié, est tenu en maigre estime par Fritz Lang, dont l’on connaît trop bien la fausse modestie ; il dira: « un petit film, mais plein d’action ». Il joue pourtant un rôle de pivot dans sa filmographie. C’est ici que le cinéaste délaisse lentement les dogmes de la période allemande faite de grandiloquences, d’actions dilatées dans un trop-plein de mécaniques vaporeuses, de machinations débordantes qui avalent tous les mythes avec elles, pour préfigurer le meilleure de la période américaine, celle de la grande ligne claire, où le récit se débarrasse de ses fioritures, de ses fumées.
Conjecture. Le remboursement des dettes engendrées par Metropolis l’oblige à tourner dans une économie de moyens. Causes, effets – c’est le crédo du Lang futur (la série B). Il puise alors ses ressources dans l’impitoyable étirement rythmique du récit. Les décors tendent vers la raréfaction, l’épure, ils s’effacent au profit de tactiques de mises en scènes sèches, les personnages sont soumis à un « trop tôt, trop tard » permanent, celui du montage. (Ils sont les pions d’un échiquier où toutes les attaques sont déjouées à l’avance.)
Les Espions est un film habité par une figure, celle de la pyramide inachevée, source de tous les complots, de toutes les paranoïas. La cage d’escalier grouillante et infinie qui abrite Haghi, chef des espions, incarnation de la raison technique, assignant places et rôles à chacun, n’est rien d’autre qu’une tour de Babel, où se brouillent toutes les identités. L’horreur est reine dans les échanges (sociaux, politiques, comptables) et les lignes que tracent les réseaux de communication sont tapissées par un mal qui étouffe tous les cris (pas de temps pour pleurer). Ni les banquiers ni les clowns et encore moins l’amour, non, rien ne nous extirpera de cette grande machination. Il semble y avoir un secret pour sortir de ce tombeau de vitesse, mais personne n’est apte à le mettre au jour (y’a t-il un innocent dans la salle ?)
La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.
Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).
Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun·e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 6€ et valable sur une année civile.
