Édito

 

Les vastes espaces sont propices au balayage de la caméra qui s’y meut accompagnant le geste du cinéaste. Comment embrasser ces plaines, ces fleuves, ces montagnes avec un objectif qui, si large soit-il, borne l’étendue tenue au bout du regard humain. Au cinéma pour donner à voir l’immensité il faut la construire. Bien sûr un plan très large peut en donner une idée, comme dans bon nombre de westerns. Mais cela reste une étendue limitée par le cadre. Les cinéastes expérimentaux y ont apporté un certain nombre de réponses dont la plus radicale est sans doute celle de Michael Snow avec son film Région centrale. D’autres en ont élaboré des fragments qui font de chacune de ces oeuvres une expérience visuelle forte.

Werner Nekes joue sur la continuité de la bande image, reliant les séquences par des surimpressions, des fondus enchaînés, croisant les balayages dans des panoramiques inversés. Il choisit la fluidité et la contemplation du monde dans un rythme qui va s’accelérant sans rupture.

La démarche de Steina Vasulka est à l’opposé. Elle alterne les plans proches et le balayage des vastes paysages mais, au delà, elle utilise une machine faite d’un miroir concave qui renvoie, élargie en fish eye, l’étendue d’une large plaine et c’est le feuilletage du proche et du lointain qui restructure l’espace filmé.

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Makimono

Werner Neckes | 1974 | Allemagne | 38 min | 16mm

Makimono renvoie aux peintures japonaises sur rouleaux. Le film explore, à travers un emplacement fixe de la caméra, un paysage lacustre avec des maisons ; mais l’emportement du montage, conjoint à des mouvements panoramiques opposés et des surimpressions, assimile le paysage à une calligraphie de traits et de points abstraits. Le sujet du film est le langage cinématographique lui-même, sa mutabilité et son influence sur la vision et la pensée du spectateur. Au fur et à mesure que le film avance, le spectateur est doucement invité à réfléchir à ce qu’il voit et à ce qu’il pense.

« Le paysage, les personnes, les maisons. (…) le répertoire visuel du film entier est présenté d’abord de manière à ce que nous puissions distinguer des paysages, des personnes et des maisons, lentement transformés de telle sorte que l’impression d’une réalité photographique disparaît: le spectateur est doucement – mais avec insistance – appelé à réorganiser sans cesse sa manière de percevoir et par conséquent d’interpréter. (…)

Le titre se réfère aux peintures japonaises de paysages sur rouleaux. Il se justifie à la fois par le sujet, par la discrétion des coloris (quelques bleus, verts et gris très estompés) et par le type de montage, qui préfère aux ruptures d’une juxtaposition, la continuité d’un déroulement, assurée ici par le fondu-enchainé et la surimpression, puis par le panoramique et le filé. Le rythme en effet s’accélère. On passe d’une méditation sur le territoire, tenu au bout du regard ou arpenté par la marche (thème si fréquent chez Nekes, mais qui évoque la poésie de Michel Deguy et donc Heidegger), à la fluidité et au mouvement pur, au vertige que donne la surimpression de deux filés contradictoires. Le monde est comme un reflet dans l’eau, puis, le montage rapide impose une calligraphie plus brusque, les forts traits noirs d’un Hartung. »

Helmut Fenster dans L’art vivant, 1975


The West

Steina et Woody Vasulka | 1983 | États-Unis | 30 min

The West est une installation composée de deux vidéos et de quatre canaux audio, avec un programme répétitif de trente minutes. Chacun des deux lecteurs de disques laser vidéo fournit une source vidéo et deux sources audio à une banque de moniteurs vidéo et quatre haut-parleurs. Un synchroniseur vidéo aligne les deux canaux vidéo pour une lecture synchrone. À la fin de chaque cycle de trente minutes, le programme revient automatiquement et se resynchronise pour une nouvelle représentation.

« The West se délecte de l’immensité des espaces occidentaux, de la qualité primitive du paysage et de l’architecture ancienne, des riches couleurs de la terre et du ciel, de la lumière et de la chaleur du soleil. La superposition complexe des espaces et la manipulation électronique de l’image, de la couleur et de la forme, si importantes dans les travaux antérieurs de Steina, constituent toujours un aspect important de cette installation. Mais THE WEST  st avant tout un hommage à la grandeur de la nature. »

William D. Judson

 


Werner Neckes

 

Werner Nekes

Né en 1944 à Erfurt, Werner Neckes étudie la linguistique et la psychologie à Freiburg. Dès 1964 à Bonn, il se retrouve à la tête du Ciné-club de l’université et obtient une chaire au FIAG. Il développe alors des amitiés avec des réalisateurs, des sculpteurs ou des peintres. C’est dans ce milieu qu’il rencontre Dore O., sa compagne et collaboratrice dès 1967. Il commence la peinture en 1965, avec divers matériaux et objets puis réalise des films d’abord en 8mm puis en 16mm. Il se propose de libérer le film de la narration et de sa visée psychologisante pour le construire selon des critères temporels et des systèmes structurels. Au printemps 1967 ses films sont rejetés du Kurzfilmtage d’Oberhausen. Nekes décide alors d’organiser un contre évènement. La même année en novembre, il arrive à Hambourg avec Dore O. qu’il épouse le mois suivant. Il est à ce moment le cofondateur de la coopérative de cinéastes de Hambourg et l’un des organisateurs de la « Hamburger Filmschau ». A partir de 1973, il voyage dans le monde pour participer à des séminaires sur les théories du film ou à des rétrospectives. Il déménage à Mülheim à l’été 1978.

Il est le cofondateur du Filmbüro NW en 1980 et du ICNC (Centre International pour le Nouveau Cinéma) à Riga en 1988. Son travail a fait le tour des plus grands musées et des festivals, parmi lesquels le Museum of Modern Art de New York et la Dokumenta de Kassel.

Il exerce en parallèle une activité régulière de professeur : de 1969 à 1972 et de 2004 à 2006 à l’Académie des Beaux Arts (Hochschule für Bildende Künste) de Hambourg, de1981 à 1982 à l’université de Wuppertal, de 1982 à 1984 à la Kunsthochschule Offenbach, et, de 1990 à 96 à l’Académie des arts des médias de Cologne. De plus, il a réuni dans une importante collection privée des artefacts qui témoignent de 500 ans d’expérimentations pré-cinématographiques et documentent les avancées des débuts de l’histoire du cinéma, se concentrant notamment sur les principes de représentations spatiaux et temporels.

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Steina et Woody Vasulka

 

Steina_Woody

Steina et Woody Vasulka collaborent depuis leur arrivée aux États-Unis en 1965. Steina est musicienne, Woody est ingénieur et technicien du film. Dès la fin des années soixante, les Vasulka envisagent les manipulations de l’énergie électromagnétique comme une forme de langage. en 1969, ils procèdent à leurs premières expériences. Ils réalisent de nouveaux essais visuels et fabriquent des machines qui permettent de sonder le processus de création de l’image électronique–depuis le synthétiseur vidéo, capable de produire des images abstraites, jusqu’au système numérique.

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Informations pratiques

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La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.

Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).

Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun.e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 6€ et valable sur une année civile.


Toutes les séances du cycle

 

 

On the Road | La quête poétique
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Erosion 12 ; a walk de Collectif Los ingravidos | 2019 | Mexique | 8 min

Après le feu de Jacques Perconte | 2010 | France | 7 min

On the Road | Les grands espaces
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Makimono de Werner Neckes | 1974 | Allemagne | 38 min | 16mm

The West de Steina et Woody Vasulka | 1983 | États-Unis | 30 min

On the Road | Errances mélancoliques
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Pictures of the Lost World de Klaus Wyborny | 1975 | Allemagne | 47 min | 16mm

On the Road | Le temps, l'histoire et la mémoire
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Reminiscences of a Journey to Lithuania de Jonas Mekas | 1972 | Lituanie | 1h18 | 16mm

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