Édito

 

Le spectateur est transporté dans de lentes déambulations au fil du propos du cinéaste. Vastes paysages nimbés de vapeurs floues dans des tons de bleu et de rose, qui dérivent flottant entre deux eaux, entre deux routes, entre deux berges. L’effet de mélancolie est intense… et pourtant quelque chose dysfonctionne, une rupture de son, un noir dans l’image, signe que le film auquel nous assistons n’est pas celui auquel nous pouvions nous attendre. Klaus Wyborny va construire son film sous nos yeux dans une courbe crescendo/decrescendo. La montée se fait lentement, les séries de paysages divers se succèdent, se heurtent, se brisent avec les discordances brutales du son. Les battements se précipitent avec des interventions sophistiquées sur l’image, la variation des coloris, l’alternance des séries positives/négatives. Son voyage nous entraîne dans un rythme saccadé traversant les forêts allemandes, les montagnes suisses pour s’apaiser dans les rues d’une ville du Maghreb ou d’Égypte où le descrescendo s’enchaîne rapidement.

La structure du film façonne la traversée du paysage et l’ironie du cinéaste entraîne le spectateur dans un voyage inattendu…

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Pictures of the Lost World

Klaus Wyborny | 1975 | Allemagne | 47 min | 16mm

Pendant une cinquantaine de minutes, Pictures of the Lost World alterne une série d’images statiques ou légèrement vacillantes représentant des paysages parfois bucoliques, mais le plus souvent industriels (ports envasés, lignes électriques, gares abandonnées ou usines désaffectées). L’interaction entre ces deux catégories d’images n’est pas évidente. Wyborny photographie ces ruines modernes sous leur meilleur jour : au lever ou au coucher du soleil, se reflétant en partie dans l’eau, ou aperçues derrière un rideau de feuillage. Les images se répètent, retouchées dans des couleurs chatoyantes, ou au contraire délavées comme après cinq passages à la photocopieuse. Puisque très peu d’êtres humains y figurent, on a l’impression que la planète est surtout peuplée de vaches, de péniches et de foreuses hydrauliques.

En guise de bande-son, un pianiste improvise une mélodie lente et riche en accords, qui ajoute à l’atmosphère de douce mélancolie de l’ensemble. Cependant, alors que le film touche à sa fin, Wyborny se met à parodier sa propre nostalgie. Des groupes d’images se succèdent à un rythme effréné, tandis que le pianiste adopte une phrase entêtante de sept notes qu’il répète à l’infini, comme un disque rayé. Dans sa forme faussement symphonique, le film est une exaltation ironique de « l’idéal pastoral », (une tendance encore vivace dans les films avant-gardistes britanniques et allemands), qui célèbre la beauté entropique de ces mêmes usines infernales qui poussèrent jadis Wordsworth à se réfugier à la campagne, et Schiller à décrier la «dégénérescence» de la culture européenne.

J. Hoberman, The Village Voice, New York, mai 1978

 

Sélection
• Film projeté au FID en 2012 dans la catégorie Écrans Parallèle

Klaus Wyborny

 

Klaus Wyborny est un cinéaste, producteur, réalisateur, acteur, caméraman et scénariste allemand, connu pour ses films expérimentaux.

Wyborny a étudié de 1963 à 1970 la physique théorique à l’Université de Hambourg et à la Yeshiva University de New York.

Wyborny a été co-fondateur en 1968, avec Hellmuth Costard, Thomas Struck, Werner Nekes, Helmut Herbst, Werner Grassmann, et d’autres, de la Hamburger Filmmacher Cooperative, qui a pris comme exemple le nouveau cinéma américain et allait développer une version européenne du cinéma underground américain. Il a travaillé pour les revues littéraires BOA VISTA et Henry, et a été co-fondateur du Hamburger Filmgespräche.


Informations pratiques

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La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.

Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).

Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun.e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 6€ et valable sur une année civile.


Toutes les séances du cycle

 

 

On the Road | La quête poétique
Les séances de cinéma
Videodrome 2 | 49, cours Julien | 13006 Marseille

Un faux roman sur la vie d'Arthur Rimbaud de Florence Pazzottu | 2021 | France | 58 min

On the Road | Ailleurs
Les séances de cinéma
Videodrome 2 | 49, cours Julien | 13006 Marseille

7 visions fugitives de Robert Cahen | 1995 | France | 32 min

Battements solaires de Patrick Bokanowski | 2008 | France | 18 min | 35mm

Nation of Masks de Patrice Sanchez | 2018 | France | 6 min

On the Road | Painting Road
Les séances de cinéma
Videodrome 2 | 49, cours Julien | 13006 Marseille

Fuji de Robert Breer | 1973 | États-Unis | 8 min | 16mm

Just in Time de Kirsten Winter | 1999 | Allemagne | 9 min | 35mm

Chronographies de Jean-Michel Bouhours | 1982 | France | 17 min | 16mm

Carte noire de Michaela Grill | 2014 | Autriche | 2 min

Disquiet de SJ Ramir | 2011 | Nouvelle-Zélande | 2 min

Erosion 12 ; a walk de Collectif Los ingravidos | 2019 | Mexique | 8 min

Après le feu de Jacques Perconte | 2010 | France | 7 min

On the Road | Les grands espaces
Les séances de cinéma
Videodrome 2 | 49, cours Julien | 13006 Marseille

Makimono de Werner Neckes | 1974 | Allemagne | 38 min | 16mm

The West de Steina et Woody Vasulka | 1983 | États-Unis | 30 min

On the Road | Errances mélancoliques
Les séances de cinéma
Videodrome 2 | 49, cours Julien | 13006 Marseille

Pictures of the Lost World de Klaus Wyborny | 1975 | Allemagne | 47 min | 16mm

On the Road | Le temps, l'histoire et la mémoire
Les séances de cinéma
Videodrome 2 | 49, cours Julien | 13006 Marseille

Reminiscences of a Journey to Lithuania de Jonas Mekas | 1972 | Lituanie | 1h18 | 16mm

Les séances de cinéma
Videodrome 2 | 49, cours Julien | 13006 Marseille Carte