Édito
Les premières productions de l’ICAIC (Instituto Cubano de Artes e Industrias Cinematógraficos) constituent les oeuvres les plus représentatives et internationalement acclamées de la Révolution triomphante à Cuba. L’impulsion d’une nouvelle industrie cinématographique nationale et l’hétérogénéité de ses productions, témoignent à la fois de la réputation de la Révolution et d’une liberté singulière de création au sein des mouvances socialistes non-alignées de l’époque. L’histoire réelle est plus complexe. Cette icône du triomphe nationaliste s’est forgée dans le dialogue, fruit de collaborations étrangères qui étaient parfois la force principale dans les coulisses de l’institution.
Dans ce contexte, le rôle de Theodor Christensen se démarque, en tant que cinéaste et mentor des jeunes talents cubains. Beaucoup d’œuvres saluées pour leur « liberté artistique » sont le produit de ce dialogue largement méconnu. Notre programme présente certaines œuvres emblématiques de la période, re-contextualisées avec d’autres moins connues. On retrouve les complexités internes, les suppressions et les réappropriations, derrière la constitution de l’exception culturelle cubaine.
La Mort d’un bureaucrate de Tomás Gutiérrez Alea
1966 | 1h27 | VOSTFR | DCP version restauré
Farce macabre et féroce qui regarde autant du côté de Kafka que de Bunuel et Chaplin, La mort d’un bureaucrate expose les déboires de Juanchín, un jeune Cubain soumis aux dures lois de la bureaucratie après la mort accidentelle de son oncle Paco, ouvrier cubain émérite, broyé par sa machine à produire des bustes en série de José Martí, figure tutélaire de l’histoire cubaine. Selon ses voeux, il est enterré avec son livret de travail d’ «ouvrier exemplaire». Or, sans ce document, sa veuve, la tante de Juanchín, ne peut recevoir sa pension de réversion. Le neveu du défunt entreprend alors les démarches nécessaires pour le récupérer. Commence pour lui un long périple qui le conduira de bureau en bureau, et de bureaucrate en bureaucrate, à la recherche de formulaires, de tampons, de signatures, de quiproquo en quiproquo. Un emballement infernal servi par un montage virtuose et un humour subversif.
La mort d’un bureaucrate est le seul film de Tomás Gutiérrez Alea, écrit par son chef opérateur espagnol Ramón F. Suárez, qui porte un regard autant engagé qu’extérieur sur la société socialiste émergente de la Révolution cubaine. Réalisé au moment où le régime, sept années après la victoire de la Révolution, entamait une lutte contre la bureaucratie, le film est clairement adossé à son contexte de réalisation. Sorti en 1966 et érigé au rang de classique du cinéma, il combine ainsi le particulier et l’universel. La trajectoire du personnage, Juanchín, confronté à la rigidité de l’appareil bureaucratique qui confine à l’absurde, est aussi l’histoire d’un mouvement vers la folie.
Tomás Gutiérrez Alea
Célèbre pour Fraise et Chocolat, qui lui valut une nomination à l’Oscar du meilleur film étranger, ce qui lui ouvrit l’accès au territoire états-unien après des décennies de refus en raison de son soutien au gouvernement de Fidel Castro, Toms Gutierrez Alea est l’auteur d’une œuvre riche de plus d’une dizaine de long-métrages, de Historias de la revolución, en 1960, à Guantanemera en 1995, un an avant son décès. Engagé dès les premières heures dans la Révolution cubaine et fidèle à cette dernière jusqu’à sa mort, en 1996, le cinéaste Tomás Gutiérrez Alea en a été l’un des interprètes cinématographiques les plus significatifs, avec une série de films qui occupent aujourd’hui une place à part dans l’histoire du cinéma latino-américain. Membre fondateur de L’ICAIC, ses films ont témoigné du processus révolutionnaire, de façon de plus en plus critique.
Informations pratiques
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La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.
Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).
Nous croyons au prix libre comme une possibilité pour chacun·e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 5€ et valable sur une année civile.
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