Un Amleto di meno (Un Hamlet de moins)

Carmelo Bene – 1973, Italie, 1h10, VOstFR

D’après Hamlet, ou les suites de la pitié filiale de Jules Laforgue
Avec Carmelo Bene, Lydia Mancinelli, Alfiero Vincenti, Pippo Tuminelli
Festival de Cannes 1973

Un Hamlet de moins est une méditation sur l’art et sur le rôle de l’artiste qui détourne les éléments de la tragédie de Shakespeare.
Ici, le prince danois est un auteur qui semble moins préoccupé de vengeance que de réussite théâtrale et de jeunes actrices.
Un film fascinant, notamment dans l’utilisation des couleurs, trucages et autres inventions scénographiques.

 

Hamlet : « Et moi, je ne veux plus être moi. (…) Je ne demande rien à personne, moi. Je suis sans ami ; je n’ai pas un ami qui pourrait raconter mon histoire, un ami qui me précéderait partout pour m’éviter les explications qui me tuent. Je n’ai pas une jeune fille qui saurait me goûter. Ah ! oui, une garde-malade ! Une garde-malade pour l’amour de l’art, ne donnant ses baisers qu’à des mourants, des gens in-extremis, qui ne pourraient par conséquent s’en vanter ensuite. »

 

« Carmelo Bene, acteur, dramaturge et théoricien du théâtre, construit un projet dramaturgique dont le double objectif est d’écrire le présent, et rendre impossible toute forme de re-présentation. Fondée sur la réécriture des classiques du répertoire occidental et notamment du Hamlet de Shakespeare, la démarche de Bene est aussi paradoxale qu’ambitieuse puisqu’elle entend résoudre la contradiction d’une répétition sans redite en formulant ce qu’il conviendrait d’appeler un théâtre de l’instantané. » (Leila Adham)

Ce Hamlet, Carmelo Bene y est revenu avec insistance : Au cinéma avec le film Un Hamlet de moins, présenté en 1973 au Festival de Cannes, sur scène – sous forme de théâtre (1967, 1974), d’« opérette inqualifiable » (Hommelette for Hamlet, 1987) ou de spectacle (Hamlet Suite, 1994).

« Dans le film Un Amleto di meno, realisé en 1973, la tragédie de Shakespeare est bouleversée non seulement par le mélange avec l’Hamlet de Laforgue, mais aussi par l’insertion d’autres matériels textuels. En effet Bene ajoute La complainte de l’époux outragé qui fait partie des Complaintes de Laforgue, un fragment de La signorina Felicita ovvero la felicità du poète italien Gozzano, une citation de l’Ulysse de James Joyce et enfin des passages de L’Interprétation des rêves de Sigmund Freud, confiés aux chuchotements logorrhéiques d’un décrépit et insupportable Polonius. (…)
Le dialogue shakespearien est condensé en peu de répliques, mais leur sens et leur fonction sont gardés, donc on peut encore parler d’une sorte de fidélité au texte père. (…)
Ce qui change c’est le cours traditionnel de la tragédie: dès le début, en effet, il est évident que le prince danois ne veut pas assumer son rôle tragique, et par conséquent il répond avec intolérance, irritation et incrédulité aux révélations insistantes de l’ami, qu’il tâche de discréditer avec des répliques serrées (…) La fameuse réplique « Être ou ne pas être » est ici lu par Horace a qui Hamlet répond avec une citation de Joyce privant le moment le plus haut de la tragédie d’importance et de pathos.

Ce qui est important c’est la stratégie élaborée par Bene pour « sortir » de Shakespeare, ou mieux de toute la tradition shakespearienne : l’usage d’un texte « mineur » comme ressource dramaturgique pour fragiliser le texte-père. L’acteur italien utilisera encore cette stratégie dans les autres « variations » sur l’Hamlet, chaque fois en la perfectionnant.

En ce qui concerne l' »interprétation » de Bene dans ce film, elle est caractérisée par une mécanicité recherchée et elle est interrompue par des pauses soudaines, comme des enjambements, mais l’intonation n’est pas encore bouleversée par les changements incessants de registre et de timbre qui caractériseront la phase suivante de son théâtre, c’est-à-dire la « Machine actoriale ». (…)

Dans ce film il paraît intéressé à détruire l’image par l’usage du montage, qui, au lieu d’être utilisé pour dicter le sens du flux des images, est employé pour « disséquer » et démolir les séquences tournées. Le détail, le grossissement excessif, l’association rapide de brefs fragments, ont le même effet d’un extrême rapetissement : l’effacement de l’image.
Sans analyser dans les détails l’aventure cinématographique de Bene, à laquelle Gilles Deleuze a consacré des pages admirées dans ses essais sur le cinéma, on peut dire qu’il s’agit, comme pour le théâtre, de refuser complètement les conventions de la représentation et la communicabilité du sens, mises en crise non seulement par un montage fébrile et obsédant, mais aussi par l’usage du playback qui souligne le manque de synchronisation entre voix et corps.
Le résultat est un cinéma d’une « précision chirurgicale », qui hérite du théâtre la tendance à ôter de la scène, amputer les éléments traditionnels du langage cinématographique. » (Antonin Artaud et Carmelo Bene : Le théâtre de l’oralité dans les « variations » sur l’Hamlet de Jules Laforgue par Sara Antoniazzi)

 

La biographie de Carmelo Bene est consultable dans l’article ci-dessous :
> Des livres de Carmelo Bene et de Jean-Paul Manganaro

 

« Shakespeare était auteur, acteur et chef de troupe. Dans sa vie lui-même a été un spectacle. A présent
il est un texte. Il faut être un beau salaud pour lui refuser l’infidélité qui lui est due. » (Carmelo Bene)

 

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