Dimanche 19 janvier 2025 · 19h00
Les Désorientés
de Sol Suffern-Quirno et Rudolf Di Stefano | 2023 | France | 1h10
Les désorientés est une fable qui par la voix d’un enfant, enquête sur ce que pourrait être une tragédie pour notre temps. Ce film cherche à comprendre pourquoi notre époque singulièrement tragique, où réapparait le terrible trio : pandémies, guerres, catastrophes naturelles, manque cruellement de formes symboliques capables de réduire la douleur qui s’impose à nos subjectivités.
Pour cela c’est du côté des origines que le film se tourne, vers la Grèce antique, vers Eschyle, Sophocle et Euripide, voire même plus loin encore, jusqu’à la poésie d’Archiloque, pour tenter à partir de ces textes de comprendre notre époque. Mais force est de constater que cela ne va pas de soi, que la figure duelle du héros tragique portant ses affects au bord de l’humanité, ne semble plus suffire pour qu’un public à l’image du chœur antique, éprouve un sentiment d’humanité, une émotion libératrice.
Antigone, Créon, Polynice, Étéocle, Tirésias, tous séparés et seuls, sont alors perdus dans les méandres de la ville moderne, avec ses réseaux routiers, ses quartiers d’affaires, ses lignes de métro souterrain, échoués dans ce monde, désorientés. Malgré leurs déchéances, ils veulent pourtant faire entendre encore une fois, par l’intermédiaire de fragments de miroir orienté vers le passé, les raisons de leurs violents sacrifices. Faire comprendre comment au prix de leurs vies, ils avaient à cœur d’exposer leurs contradictions aux yeux de tous, et par là de permettre au public de se positionner, de se penser finalement comme peuple.
Mais quelles oreilles peuvent encore aujourd’hui supporter d’entendre ces paroles inaudibles ? Peut-être celles d’un chœur d’un genre nouveau, constitué par les acteurs mêmes du film qui, acceptant pour un temps d’endosser les costumes et le pathos de ces héros tragiques, y entrelacent secrètement leurs propres voix, celles qui émanent de leurs vies singulières et nues.
Il est alors question d’une métamorphose qui mêle les vies spectaculaires et sacrificielles des héros tragiques aux vies anonymes d’aujourd’hui, pour trouver dans l’énorme difficulté que les temps imposent, des moyens de tenir héroïquement le fil d’une existence.
D’après : Sophocle, Eschyle, Euripide, Archiloque, Descartes, Badiou, Nicolas
avec : Inès Nicolas, Victor Ponomarev, Louis Landon, Hubert Lecat, Louis Nicolas, Sicilia di Stefano
SOL SUFFERN-QUIRNO & RUDOLF DI STEFANO
Nés en France, elle en 1971 et lui en 1970, ils vivent et travaillent à Montreuil depuis plus de 20 ans. En 2001, ils créent avec d’autres le Dojo cinéma, unité de production, de réalisation et de diffusion cinématographique, qu’ils développent et animent pendant plusieurs années. Dans ce cadre, ils coréalisent collectivement une vingtaine de films courts, moyens et longs. En 2006 une rétrospective de ces films est organisée à l’occasion du Festival Côté court de Pantin.
Depuis 2009 Sol Suffern-Quirno et Rudolf di Stefano continuent à deux le travail cinématographique, Nos yeux se sont ouverts, film sur la parole de Jean-Marie Straub, fut le premier de cette nouvelle étape. Entre 2010 et 2023, ils réalisent plus de trente films courts, jalonnés par quatre longs : Vies parallèles en 2014, Odyssée seconde en 2018, La tempête en 2020 et Les désorientés en 2023.
Au cours de ces années ils se forgent une méthode cinématographique ad hoc qui leur permet de faire du cinéma à toutes les étapes d’un film. Écriture, acteurs, textes, lieux, théorie, sont la plupart du temps explorés par la réalisation de films spécifiques. Cette méthode de travail produit des films courts qui préparent des longs à venir, mais aussi des films qui pensent le cinéma, l’actualité, ainsi que la place singulière que tient le public dans la salle de cinéma. Tous ces films sont réalisés alternativement et sans hiérarchie aucune : préparer, penser, imaginer, interroger, présenter.
Par ailleurs, durant l’année 2008-2009, Rudolf di Stefano anime un atelier d’investigation cinématographique à la Maison du Film Court, qui se donnait pour objectif de dégager du cinéma ce qui est son invention propre, au travers des mots de quatre cinéastes que sont Robert Bresson, Jean-Luc Godard, Jean-Marie Straub et Danièle Huillet. Ce travail a pris la forme d’un livre Vive le cinématographe ! édité aux Éditions Al dante en 2014. Par la suite Rudolf di Stefano a organisé pendant trois ans avec le compositeur François Nicolas des séances trimestrielles appelées Qui-vive au Ciné 104 de Pantin. Ces séances se voulaient le lieu d’élaboration d’une nouvelle forme d’entrelacement entre cinéma, poésie, musique, politique et mathématiques. Ce travail a trouvé sa continuité dans l’élaboration d’un événement d’une semaine, Hétérophonies/68 au théâtre La Commune à Aubervilliers.
Depuis 2015, Rudolf di Stefano intervient fréquemment sur des questions d’intellectualité du cinéma dans différentes institutions, et en particulier dans cadre des séminaires Mamuphi qui ont lieu à lʼENS et à lʼIrcam.
En juin 2019, le Festival Côté Court de Pantin programme un Focus sur leur recherche cinématographique à travers la projection de la plupart de leurs films réalisés depuis 2010. Ce Focus se voulait aussi l’occasion de rendre public l’originalité de leur méthode cinématographique, elle fut soutenue par l’intervention du critique Alain Bergala. En mars 2023, la Project(ion) Room à Bruxelles, organise une rétrospective de leur travail où une vingtaine de films sont projetés. Cet événement est le point de départ d’une série de séances à venir qui ont pour vocation d’explorer par des films et des interventions, ce que pourrait devenir au XXIe siècle une séance de cinéma.
Informations pratiques
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La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.
Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).
Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun.e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 8€ et valable sur une année civile.
Les séances avec Sol Suffern-Quirno et Rudolf Di Stefano