Ludwig, requiem pour un roi vierge
de Hans-Jürgen Syberberg – 1972, Allemagne, 2h19

 

 

Le troisième et dernier acte de ce cycle aurait dû se conclure avec Parsifal de Hans-Jürgen Syberberg. À ce jour, il n’existe plus aucune copie sous-titrée en français. Dix ans plus tôt, Syberberg a réalisé Ludwig, requiem pour un roi vierge (1972) considéré comme la première partie de la « trilogie allemande » avant Karl May (1974) et Hitler, un film d’Allemagne (1977). Sans être directement adapté d’un opéra, le film s’en rapproche par l’utilisation de la musique de Richard Wagner et la mise en scène du cinéaste qui témoigne :

 

« Il y avait un nombre incroyable de matériaux et je me suis beaucoup intéressé à la constellation des personnages wagnériens, si bien que j’ai finalement fait de Ludwig un opéra de Wagner. C’est-à-dire que Ludwig lui-même entre en scène – pas toujours, mais très souvent – davantage dans un univers wagnérien, dans les décors des opéras, qu’au milieu d’images de châteaux. C’est tout aussi important. J’ai privilégié des dessins plutôt que des images de la réalité. C’était là une question primordiale : je n’ai pas inséré les personnages dans un décor fait de photos de châteaux. Il n’y avait pas d’arrière-plan réaliste, du moins le moins possible. J’ai toujours choisi quelque chose qui avait à voir avec les représentations idéalisées de Ludwig ou des opéras. » (1)

Hans-Jürgen Syberbeg

 

Fasciné par Wagner, le cinéaste lui compose un opéra, cinématographique, qui tient donc toute sa place dans ce cycle.

 

 

 

 

« Si je choisis de qualifier mon film de « requiem », ce n’est pas seulement que je souhaite dédier une épitaphe à un roi mort, quelle que soit la place occupée aujourd’hui encore par Louis II dans l’imaginaire populaire. Le « requiem » fait plutôt référence à un système esthétique fermé, proche de la musique et des formes musicales, et à mon idée du « film comme musique de l’avenir ». L’intention était de rompre avec la perception habituelle du cinéma, le film de dialogues et d’action, les techniques d’un cinéma commercial dominé par Hollywood. Je proposai une alternative en travaillant sur un discours proche du monologue, en utilisant des formes figées, des plans fixes, des tableaux immobiles, des décors d’opéra en toile de fond, une clarté, une aliénation, une ironie, un pathos épique, soulignés par la musique et l’usage qui en est fait.

Le film se divise en deux parties et en chapitres. La première partie, « la malédiction », commence avec les premières mesures de l’Or du Rhin. Louis II et le Wittelsbacher sont considérés comme responsables de la malédiction des trois « Nornes » et de celle de Lola Montes. La séquence entre Louis II et Elisabeth (Sissi) est au coeur de cette première partie. Elisabeth d’Autriche met Louis II en garde contre la musique de Wagner qui finira par causer sa mort spirituelle.

La deuxième partie du film, « J’étais une fois », traite du monde cauchemardesque qui entoure Louis II, des projections de ses propres fantasmes, mais aussi des perspectives d’une réalité effrayante. Contraint de reconnaître un nouvel emprire germanique, avec le roi de Prusse et Bismarck à sa tête (et les conséquences que cela devait entraîner pour l’Europe), obligé de rompre avec Wagner, toujours plus replié dans une solitude peuplée de fantasmes irréalisables, nous voyons la mort de Louis II, et sa résurrection en tant que héros folklorique moderne. Aux derniers accords du Crépuscule des Dieux de Wagner, Louis II enfant, avec barbe et moustache, émerge des brumes de la grotte d’Erda. Le sublime et le kitsch se rencontrent et sont enfin réunis.

Louis II connaît trois morts dans le film, la mort royale classique, la mort publique et officielle, et la mort spirituelle, une Liebestod. Le film rappelle son parcours public, officiel, historique, comme sa collaboration avec Wagner, la construction de ses châteaux et palais, les crises constitutionnelles, les affaires européennes, son opposition à l’industrialisation et à la Prusse; mais aussi son parcours intérieur, la réalisation de paysages fantastiques, la fuite face aux manifestations tangibles de la réalité, et leurs conséquences au XXe siècle. Le film est un collage visuel, sonore et historique complexe. C’est l’histoire de l’échec d’une utopie. Wagner, les trois « Nornes », Louis XIV appartiennent tout autant à ce monde qu’Hitler et la civilisation industrielle au nôtre. Physiquement et métaphoriquement, ils se côtoient. » (2)

 

 

(1)Hans-Jürgen Syberberg, propos recueillis par Lucie Picandet, Entretien réalisé à Paris le vendredi 27 mars 2015, http://www.debordements.fr/Hans-Jurgen-Syberberg

(2) www.syberberg.de/Syberberg3/Oeuvre_Katalog/Oeuvre-Katalog-fr-lm-3.html

 

Article sur Parsifal
de Hans-Jürgen Syberberg – 1972, Allemagne, 2h19

Projet pharaonique, dense et complexe, Parsifal est une tentative d’oeuvre d’Art Totale. Associant de nombreuses références aux sources multiples, tant historiques qu’artistiques, le film déborde largement de la simple aventure de Parsifal et se remplit de la fascination de Syberberg pour Wagner. Tous les rôles sauf deux sont joués en play-back. La transposition filmique de l’opéra de Wagner assume entièrement le faux raccord entre le son et l’image. Quitte à ce que le cinéaste s’éloigne parfois de la musique par une très forte intensité visuelle.

 

« Plutôt un portrait de Richard Wagner à travers son Parsifal, que l’opéra filmé. Les acteurs ne sont pas les chanteurs. Les détails biographiques sont plus importants que la description des scènes. Tissus, couleurs, objets, marionnettes, la tête du masque mortuaire du maître deviennent des scènes et des emblèmes. Ce qui évite d’avoir à illustrer le texte et la musique, la compréhensibilité de l’un comme de l’autre étant le but principal. La division de Parsifal, allégorie du rédempteur, en homme et en femme, montre que le cinéaste recherchait, comme toujours, une approche personnelle. Seule la folie qu’incarne une expérience cinématographique de ce type pouvait faire écho à la folie de la musique. » (1)

 

 

 

Parsifal conclut cette semaine sur l’opéra au cinéma et questionne le travail de transposition de l’opéra en film. Les procédés de Syberberg s’opposent avec les idées de Schroeter et Straub sur la transposition. Le premier le prend pour un mégalomane :

« Dans ses films, il manque cette qualité humaine que l’on trouve dans mon travail. Chez lui, cette sensibilité humaine est complètement absente. On trouve des images très surréalistes, très dures qui sont en opposition avec ce que je fais. Bien que nous nous connaissions, c’est un cinéaste qui ne m’intéresse pas. Sa position est celle d’un monsieur qui se prend pour un génie ou quelque chose comme ça. » (2)

Le second comme quelqu’un qui manque de conviction :

« Syberberg, pareil, Moïse et Aaron ne lui a servi à rien. Ce sont des films qui font du tort et à l’opéra et au cinéma, qui ne tiennent pas debout… Quand Syberberg veut faire Parsifal, il va voir Toscan qui lui dit « Ah, j’ai déjà une bonne bande sonore, je vous la donne gratuitement et vous faites votre film en play-back. » C’est pas ce que Syberberg voulait faire, mais il le fait quand même ! Résultat, ça n’existe pas. » (3)

 

Dans tout les cas Parsifal est ardu, il divise, c’est déjà une force en soi.

 

 

 

 

 

(1) www.syberberg.de/Syberberg3/Oeuvre_Katalog/Oeuvre-Katalog-fr-lm-3.html

(2) W. Schroeter, Entretien avec Werner Schroeter, propos recueillis à Cannes par Gérard Courant et Jean–Claude Moireau en mai 1978. Une partie de cet entretien a été publiée dans Les Soleils d’Infernalia, n° 16, août 1978 et une autre dans Les Cahiers du cinéma, n° 307.

(3)  J-M. Straub, propos recueillis par F. Bonnaud et S. Kagan, 1997, www.lesinrocks.com/1997/02/12/cinema/actualite-cinema/un-seul-cineaste-au-monde-nous-jean-marie-straub-daniele-huillet-11232810/

 

 


 

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