Édito
Votre attention s’il vous plaît! Ceci n’est pas un exercice. La personne qui est en train de traverser la salle met littéralement le feu au tapis rouge.
Veuillez garder votre calme, et vos mains à l’intérieur du siège, les techniciens sont en train de rebooter l’ensemble du système. Une fois les lumières rallumées, attendez vous à être pris.e de vertige, de crise de larme ou tout simplement d’une envie irrépressible de pousser un cri.
Reprenez-vous! La personne qui va faire son apparition n’existe que dans la chaleur éclatante des projecteurs.
Yolanda, Samia, Freddie, Tina, Julie, Miwa, Whitney, Mylène et tant d’autres madones occupent un panthéon dont les albums et les vidéoclips sont objets de dévotions. Il faut les voir apparaître dans la fumée ou s’envoler au-dessus d’un public venu par dizaine de milliers respirer le même air que leur idole.
Sigarah wa Kas (Un verre, une cigarette)
de Niazi Mostafa | 1955 | Égypte | 1h52
Avec Samia Gamal et Dalida
Une danseuse à succès, interprétée par Samia Gamal, voit sa vie lui échapper alors qu’elle prend la décision de se marier. Yolanda, la vamp italienne, sera-t-elle le seul prétexte à l’échec du foyer?
On imagine Dalida bonde, au centre d’un plateau de télévision, robe lamé. On écoute Dalida, avec tendresse. On préfère une ballade ou un morceau disco. On connaît Dalida, les contours de son visage anguleux, sa voix chaude et puissante, les mots qui roulent comme les galets dans le lit des rivières.
Dalida est un monument. Une statue de bronze à Montmartre, dont la poitrine patinée porte chance aux âmes en mal d’amour. Les yeux dans les yeux, nous, sur la surface froide d’un écran, elle, le regard dans le vide formé par les ombres derrière les projecteurs, Dalida nous adresse personnellement ses émotions.
Ringarde, mauvaise chanteuse, exotique, opportuniste, dès le début de sa carrière, on trouve à lui redire. Méprisée, cible d’attaques xénophobes et sexistes, elle trace son chemin dans une société ou la presse et une forme d’élite culturel ne saurait reconnaître son talent.
On a souvent tendance à considérer les objets de culture populaire comme des
productions vulgaires, dénuées d’intérêt qui ne sauraient rendre avec finesse la complexité de l’âme humaine. Qu’on aime ou que l’on n’aime pas c’est une chose. Que l’on soit touché ou pas, cela arrive. Que l’on déplore la commercialité ou que l’on débatte du sens, rien ne saurait être sanctuarisé. Mais lorsque l’on est touché.e, que cela nous parle, alors notre sentiment est légitime. Ce lien qui lie une œuvre, si grand public soit elle, à une personne ne saurait souffrir d’aucun mépris.
Décriée car populaire, Dalida traverse pourtant une série d’expériences toutes aussi complexes et subtiles que brutales et violentes. Le déracinement, les amours et les deuils, la solitude et le succès, dans les magazines comme dans sa vie, les épisodes heureux et dramatiques se superposent à une œuvre dont l’émotionnalité témoigne d’une affectivité acerbe.
Assignée à l’exotisme, déchue car sans enfants, Dalida répond aux critiques odieuses, le sourire au lèvre, avec une courtoisie dont elle n’a pas le choix. Il est des intelligences au monde qui nous isolent, des susceptibilités qui affectent notre intégrité. Il est des mots injustes qui nous font sentir illégitime ou coupable. Epuisée, elle, la chanteuse au 85 millions de disques, quitte la scène en demandant pardon.
Informations pratiques
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La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.
Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).
Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun.e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 6€ et valable sur une année civile.
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