Dawson City : Frozen Time

de Bill Morrison, 2016, USA, 2h00, VOSTFR

1978, Canada. À 560 kilomètres au sud du cercle polaire arctique se trouve Dawson City, petite ville canadienne. En 1978, lors de travaux destinés à construire un centre de loisirs, le conducteur d’une pelleteuse fait surgir de terre des centaines de bobines de films miraculeusement conservées. Combinant films muets, films d’actualités, images d’archives, interviews et photographies historiques, et accompagné par une bande-son envoûtante d’Alex Somers, Dawson City: Le temps suspendu dépeint l’histoire de la ruée vers l’or d’une petite ville canadienne tout en relatant le cycle de vie d’une collection de films singulière à travers son exil, son enterrement, sa redécouverte et son salut.


Méconnue en France, l’œuvre de Bill Morrison connaît une rare exploitation en salles avec ce documentaire achevé en 2016, qui retrace la découverte de centaines de films muets enfouis sous la glace de Dawson, une petite bourgade à l’extrême Ouest du Canada. Assez éloigné du versant le plus expérimental de son travail (dont le court-métrage Light is Calling, disponible sur Internet, livre un très bel aperçu), Dawson City joue sur une note davantage pédagogique et se veut accessible à un plus large public, accompagnant l’intégralité de son corpus de légendes incrustées en bordure de cadre. On y découvre des fragments de fictions (dont les films retrouvés à Dawson, parmi lesquels des longs métrages signés Allan Dwan ou Tod Browning), des images d’archives (notamment des reportages d’actualités ou des images d’événements sportifs, tels les 1919 World Series de baseball) et une somme importante de photographies d’époque (couvrant en partie l’exode des mineurs ayant fondé la cité). Cet ensemble hétérogène accouche d’une narration enchâssée sur la fondation de la ville et l’histoire de ses environs enneigés, soit la région du Yukon, nommée d’après ce fleuve où transitent d’imposants blocs de glaces. L’occasion pour Morrison de remonter le fil de plusieurs de récits mythologiques, sur fond d’apogées puis de brutaux déclins : la ruée vers l’or et son envers mortifère ; l’invention de la pellicule en nitrate et ses départs de feu ; le succès du cinéma muet avant son éviction par le parlant ; la genèse du film lui-même, nourri d’abandons et de redécouvertes successifs.

Dawson City déploie en cela un étonnant montage, qui met au même niveau les images des films déterrés à Dawson et le sort qui leur a été réservé au fil des années : qu’il s’agisse de fictions (The Exquisite Thief, cité à plusieurs reprises) ou d’actualités d’époque (des « International News » aux Pathé’s Weekly), les films exhumés viennent principalement illustrer leur propre destinée. Lorsqu’est ainsi évoqué l’enfouissement des bobines, des visages attristés issus des films enterrés soulignent l’importance de l’événement par l’entremise de gros plans lacrymaux. Même cas de figure au moment où le premier défricheur tente, plusieurs années après l’enfouissement des films sous une piscine gelée de la ville, de contacter différents centres d’archives pour leur faire part de sa découverte : ses démarches administratives sont illustrées par plusieurs personnages qui rédigent et ouvrent des lettres, passent des portes ou transmettent des messages. À l’exception d’un épilogue dans le sillage de Decasia, où le passage du temps sur les bobines resurgit à travers les stigmates laissés par la glaciation, offrant quelques belles fulgurances plastiques, on s’étonne de voir Morrison faire preuve d’autant de paresse et de facilité dans ses choix d’extraits. L’abondance excessive de cartons en est en partie responsable. La narration est essentiellement prise en charge par une somme d’intertitres informatifs, qui comble l’absence de voix off et dicte la sélection des films – jusqu’à, on le devine, en laisser une bonne partie de côté (ces fragments maudits, incapables de témoigner de leur propre enfouissement). Quant aux heureux élus, retrouvés et remontés après avoir été arrachés au permafrost canadien, ils n’ont droit qu’à quelques secondes d’existence (deux ou trois plans tout au plus) avant de repartir dans les limbes du montage, condamnés à rejouer leur éternelle perdition. Résultat, à la fin de Dawson City, on ne sait toujours pas vraiment ce que recèlent ces trésors enfouis – un comble pour un film qui tient finalement plus de la vitrine d’un antiquaire que du chantier d’un archéologue. Il est évidemment regrettable de voir le travail d’un cinéaste, souvent capable d’une inventivité plastique remarquable, se plier ainsi aux conventions les plus éculées.

Article de Corentin Lê sur Critikat

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