La soirée S’articulera en trois temps autour de la production cinématographique afroaméricaine. Nous aborderons en première partie de soirée l’histoire des race movies avec l’aide de Régis Dubois puis nous présenterons un long métrage du cinéaste emblématique de cette production, Oscar Micheaux. Nous finirons cette soirée par un film de Charles Burnett grande figure de la contestation noire des années 70 et réalisateur en autre du très beau Killer of Sheep

 

19h en présence du réalisateur Régis Dubois

A l’ombre d’hollywood : le cinéma noir indépendant (1920 -1950)

Regis Dubois, 2014, France, 40mn

A l’ombre d’Hollywood est un film de Régis Dubois, qui fût un des premiers universitaire français à écrire sur les Afro-Américains dans le cinéma. Créateur du Sens des images, réalisateur de divers documentaires (sur les Beatles, sur un club de boxe marseillais ou le cinéma d’exploitation), auteur de plusieurs livres sur cinéma et idéologies, voilà Régis Dubois qui revient en image sur un thème déjà exploré dans son livre Le cinéma des noirs américains entre intégration et contestation : les films afro-américains de l’entre-deux-guerre.
Il s’agit d’un pan important de la production cinématographique, d’un cinéma noir indépendant qui propose d’autres représentations des Afro-Américains que le cinéma hollywoodien.
De films largement méconnus voire oubliés, Régis Dubois nous en propose une histoire agrémentée d’extraits en VOst, d’anecdotes et une analyse mesurée et pertinente.
« Alors c’est sûr, avec en moyenne une douzaine de films réalisés par an, tout genre et tout métrage confondus, les race movies demeurent anecdotiques comparées aux 300 ou 400 long métrages produits tous les ans par Hollywoood. Mais cela permit au moins, épisodiquement, à toute une population discriminée d’exister sur grand écran, de s’inventer un imaginaire, de vibrer et de vivre au diapason d’un autre rêve américain. Un peu plus modeste soit, mais tout aussi palpitant. »

 

 

20h30

Body and soul

Oscar Micheaux – 1925, Etats-Unis, 1h40 mn

Un village de Géorgie, au début du siècle. Le révérend Jenkins jouit d’une réputation sans faille, qui lui vaut l’estime générale. Ses ouailles, dociles et confiantes, suivent ses recommandations à la lettre, sans se poser de questions. En fait, Jenkins est un être vil, corrompu, doublé d’un authentique escroc. Aucun de ses concitoyens ne soupçonne la triste vérité – pas même la jeune et appétissante Martha Jane, qui éveille en lui des désirs tout à fait indignes d’un homme d’église…

Micheaux voulait du vrai et pour cela, il mélangeait acteurs de métier et interprètes amateurs. Avec Paul Robeson dans Body and Soul (1925), tout roule. Micheaux s’en rend tellement compte qu’il lui confie deux rôles : celui d’un pasteur lubrique et alcoolique, pourtant idole de sa communauté, et celui d’un gentil garçon, malheureusement éconduit par la mère de l’héroïne. On ne sait pas qui est ce gentil garçon. Double bienfaisant de l’homme d’église ? Jumeau ? Micheaux lui-même paraît l’ignorer : il a Robeson sous sa direction, l’acteur est très bon (dans le final, lorsqu’il se transforme en bête traquée, prête à tout pour survivre, il impressionne), alors il en profite, accentuant au maximum sa présence à l’écran, sans se soucier de cohérence dramatique. Le réalisateur est économe, près de ses sous, en grande partie parce que ce sont les siens. Né une vingtaine d’années après l’abolition de l’esclavage, Micheaux travaille d’abord comme porteur de bagages à la gare de Chicago, avec un rêve : aller à l’Ouest, persuadé que l’Américain qui va chercher là-bas son bout de terre ne peut que réussir. Il part donc pour le Dakota du Sud, devient propriétaire mais surtout écrivain, de romans d’inspiration autobiographique. L’un d’eux le fait remarquer par un producteur de films. Il veut acheter les droits pour une adaptation. Micheaux n’y connaît rien en cinéma, alors il fait ce qu’il sait faire : il y va à la gonfle. D’accord pour l’adaptation, mais c’est lui qui la dirige.
Voilà Micheaux devenu réalisateur, scénariste, producteur, du jour au lendemain, et très vite exploitant, car ses films avec un « all star colored cast » sont destinés au public noir et diffusés dans des salles dédiées. On en dénombre 400 entre 1920 et 1948. Micheaux les fait toutes, ou presque, très loin de Hollywood, peut-être même jusqu’en Europe (l’absence d’archive à ce sujet empêche toutefois de l’affirmer), tout en tournant une grosse quarantaine de films dans la période. Il finira par détruire la plupart de ses oeuvres. Un geste étrange pour un homme si désireux de ne pas gâcher le moindre bout de pellicule que, lorsqu’il faisait deux prises d’une même scène, il les gardait et les mettait à la suite dans le montage final (cela arrive notamment dans Body and Soul ; on voit une première fois une scène, puis une seconde fois la même scène, quasiment à l’identique, mais pas tout à fait)…

Christophe Benney

 

Oscar Micheaux
Auteur de sept romans (entre 1913 et 1947), ainsi que de nouvelles, Oscar Micheaux est surtout reconnu comme un pionnier du cinéma américain. En 1919, il crée sa propre compagnie de production, au sein de laquelle il réalise le premier film afro-américain la même année, The Homesteader (réputé perdu à ce jour), adaptation par lui de son troisième roman, au titre éponyme, publié en 1917. Son deuxième film en 1920, Within Our Gates (classé en 1992 au National Film Registry de la Bibliothèque du Congrès pour son importance historique), est une critique plus ou moins voilée — de même que son premier film pré-cité — de Naissance d’une nation (The Birth of a Nation, réalisé par D. W. Griffith en 1915).
En 1924, il réalise Body and Soul (en) (sorti l’année suivante), avec Paul Robeson dans sa première prestation au cinéma et, en 1931, le premier film parlant afro-américain, The Exile (en) (adapté de son premier roman de 1913, The Conquest : The Story of a Negro Pioneer by the Pioneer). En tout, il réalisera quarante-deux films — la plupart, produits et adaptés par lui, d’après l’un ou l’autre de ses romans et nouvelles —, le dernier en 1948. Il sera également acteur dans deux de ses films, en 1934 et 1935.
Notons encore qu’il était membre du mouvement « Renaissance de Harlem », destiné à promouvoir, dans les années 1920 et 1930, la culture afro-américaine.
Oscar Micheaux avait pour frère un célèbre évangéliste, Elder Micheaux ( également orthographié « Michaux » ), qui anima un show à la TV américaine.

 

 

22h30

My brother’s wedding

Charles Burnett, 1983, Etats-Unis, 1h16

 

Pierce a la trentaine. Jeune, beau, futé et rebelle, il travaille dans le pressing familial après avoir connu quantité de petits boulots et périodes de chômage. À l’autre bout de la chaîne familiale, Wendell, l’aîné, avocat sage et rangé, s’apprêtant à épouser Sonia, bien sous tous rapports, fille de médecin, elle-même avocate. Entre les deux, Soldier, meilleur ami de Pierce, voyou à la petite semaine, bourreau des cœurs et assidu des séjours en prison. D’un côté, le représentant des attentes familiales comblées (Wendell), de l’autre, celui de la liberté de jeux adolescents assumée (Soldier). Pierce est un personnage construit dans les creux, tour à tour les manquements et les exploits des deux autres personnages. Quand Soldier est tué, Pierce se voit confronté à un choix: assister à ses funérailles ou au mariage de son frère, qui a lieu le même jour. Construction scénaristique, ce dilemme est en même temps le symbole des tourments quotidiens de Pierce, tiraillé entre bien et mal, renoncement et rébellion.

Dans la description aux accents naturalistes des relations humaines Charles Burnett révèle un regard d’une remarquable acuité. Galerie de personnages drôles et attachants, son film est un modèle du genre, calé entre milieux modestes et chaleureux et bourgeoisie. De la relation faite de tendresse et de taquineries entre Pierce et son père au personnage de la gamine qui drague Pierce, Burnett opte pour un ton original, à la fois réaliste et poétique, où le rire s’insinue partout. L’humour, ici, est travaillé par le portrait social ; il vient s’insinuer dans les recoins où suintent les difficultés de la vie, de la vieillesse, comme chez les grands parents de Pierce. Il se fait parfois plus burlesque (la scène d’amour au milieu des vêtements du pressing entre Soldier et sa copine), mais n’est jamais gratuit, encore moins éloigné des préoccupations « picturales » de Charles Burnett. Car ce réalisateur est un peintre: un écrivain public, un contemplateur joyeux des relations humaines, tout autant qu’un utilisateur talentueux de la palette cinématographique. À la réalisation et à la photo en même temps, Charles Burnett ose des éclats de lumière magnifique, des clairs obscurs dans le blanc un peu glauque des lampadaires, la nuit, des courses poursuites et des bagarres où la caméra ne tremble pas. Pour autant, il semble presque ne pas composer, mais laisse surgir les corps à l’écran, dont les mouvements préfigurent le cadre adopté par le réalisateur.
C’est autour de ces mouvements, naviguant de silhouettes efflanquées vers d’autres plus épanouies, de gamins et de vieux, que le cinéaste se fraie un chemin dans Watts, quartier où il a grandi. Lieu de crimes et de drames, mais aussi d’amour et de drôleries du quotidien, réceptacle des grandeurs et bassesses humaines.

 

Charles Burnett
Les travaux les plus significatifs de Burnett décrivent la vie de Noirs Américains de la classe moyenne urbaine, dans un style quasi-documentaire qui peut être rapproché du néoréalisme italien. On en trouvera une illustration dans son premier long métrage Killer of Sheep (1977). Peu diffusé lors de sa première sortie à cause de problèmes de droits liés à la bande-son, il acquiert cependant une certaine réputation dans le milieu cinématographique américain. En 1990, il est sélectionné pour figurer dans le National Film Registry de la Bibliothèque du congrès1. En 2007, les questions de droits enfin éclaircies, le film connaît une nouvelle sortie aux États-Unis, prolongée en 2008 en France. Il réalise son second long-métrage My brother’s Wedding en 1983, puis To Sleep with Anger en 1990, film qui obtient l’Independent Spirit Awards du meilleur réalisateur, du meilleur scénario et du meilleur acteur. En 1993, Charles Burnett réalise The Glass Shield, un drame urbain sur la corruption et le racisme qui gangrène la police de Los Angeles. Il réalise également de nombreux documentaires pour la télévision et signe un volet de la série The Blues produite par Martin Scorcese. En 2007, il réalise un nouveau long-métrage Namibia: The Struggle for Liberation, dans lequel il dresse un portrait du leader indépendantiste namibien Samuel Nujoma.

 


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