Videodrome 2 reprend sa plongée mensuelle au coeur de l’actualité du documentaire de création grâce à Nicolas Bole rédacteur au Blog Documentaire et Sophie Charlotte Gautier : pour la 6ème soirée des Primeurs du Blog Documentaire, nous vous proposons Zona Franca de Georgi Laearevski, qui avait réalisé le très tendre Voyage en sol majeur. Dans son nouveau film, le cinéaste « sonde l’âme de la Patagonie ».


Zona Franca

Georgi Lazarevski – 2016, France, 1h40

 

Zona Franca, vitrine touristique quelque peu décatie, est le plus grand centre commercial de Patagonie, dans la province chilienne du détroit de Magellan. C’est d’abord par la splendeur des paysages que Georgi Lazarevski nous fait découvrir ce pan de Nouveau Monde longtemps inconquis. Mais les cadrages disent autre chose que la beauté – peut-être l’angoisse d’y vivre isolé comme Gaspar, chercheur d’or qui peine à joindre les deux bouts. Le récit entremêle la vie de ce piquiñero, celle de Patricia, vigile de Zona Franca coincée dans sa guérite, et celle d’Edgardo, routier politiquement actif. La qualité d’écoute laisse à Gaspar et à Edgardo le temps d’exister aussi comme des êtres qui rêvent, Gaspar à l’amour qu’il n’a jamais trouvé, Edgardo au bateau de son père, vendu par nécessité. Quand les habitants bloquent les routes pour protester contre l’augmentation du prix du gaz, la bulle touristique éclate. La « Route de la fin du monde » prend un sens littéral pour les étrangers immobilisés. Poignante, la culpabilité d’Edgardo pendant les manifestations renvoie à une blessure ancienne, et aux cicatrices coloniales encore à vif de tout un territoire qui a trop tôt fait de muséifier son histoire. La très belle séquence où il visite l’hôtel de luxe dans l’ancien abattoir où il a travaillé dans sa jeunesse montre sans didactisme la violence des bouleversements en cours. (Charlotte Garson)

Extrait de l’entretien avec le Blog Documentaire :

Le Blog documentaire : C’était quoi l’idée de départ ? Qu’est-ce qui vous a poussé à aller tenter de construire un film en Patagonie ? On devine une fascination pour ces paysages du « monde du bout du monde », et une curiosité certaine pour l’histoire de ce territoire ?

Georgi Lazarevski : J’ai débarqué pour la première fois sur ce territoire il y a près de vingt ans. J’avais à l’esprit tous les livres que j’avais lus et qui racontaient les aventures extraordinaires des pionniers, des explorateurs (plus marginaux les uns que les autres) qui s’étaient succédés sur cette terre.

J’étais habité par le mythe : le fantasme du bout du monde, celui d’une frontière au-delà de laquelle s’étendrait, à portée de main, un nouveau territoire plein de promesses. Une certaine idée d’absolu, une terre où tout serait encore possible, et qui au cours de l’Histoire a attiré comme un aimant des hommes épris de liberté. Venus de toute part, une multitudes d’aventuriers, de repris de justice, de conquérants, de miséreux en quête d’une vie meilleure y ont élu domicile. Ils ont connu des destins inégaux mais partageaient un trait de caractère : ils avaient tout abandonné derrière eux pour venir s’y installer, ils avaient rompu avec leur société, ils étaient non-conformistes. J’avais envie de partir sur leur trace.

Moi-même je suis fils d’un émigré yougoslave. J’ai vécu mon enfance sur une île de l’Adriatique, un petit paradis au milieu d’eaux cristallines dans un grand pays qui n’existe plus. Puis j’ai dû partir. Vers le continent, puis la Belgique, plus tard la France. Changeant plusieurs fois de nationalité, j’ai pris goût aux voyages. La Patagonie était pour moi une sorte de Graal.

Instinctivement, je reproduisais le fantasme de milliers de Yougoslaves, partis au 19ème siècle de la petite île voisine de Brac pour devenir les tout premiers colons de Patagonie. Ils ont travaillé dur pour sortir de la misère, construire ou reconstruire une vie rêvée, s’approcher de leurs idéaux. Ils ont érigé des villes dans un environnement incroyablement hostile. Ces colons façonnèrent le territoire à leur guise, exploitèrent la terre tant qu’ils le pouvaient. Ont-ils trouvé ce qu’ils cherchaient ? Se sont-ils définitivement affranchis des barrières qui ont fini par avoir raison de leur pays originel ? Voilà les questions qui attisaient ma curiosité.

Ce territoire est le lieu idéal pour évoquer l’exil, le franchissement des frontières, l’évasion, la communauté ou l’impossibilité de rencontrer l’autre. Des notions que je m’obstine à explorer dans mes films.

 

 

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