Vendredi 20 juin 2025 · 20h30
Édito
Née à Beyrouth au Liban, Rania Stephan fait des études supérieures de cinéma à l’université de LaTrobe en Australie puis à Paris VIII en France. Naviguant entre art vidéo et documentaire de création, ses films conjuguent un travail sur l’archéologie de l’image, l’identité et la mémoire. Les plus récents, ancrés dans la réalité turbulente de son pays, offrent un point de vue personnel sur des événements politiques complexes et violents ; mêlant documentaire brut et approche poétique, des rencontres de hasard sont filmées avec humour et compassion.
Le travail sur l’archive est un enjeu central de son travail. Utilisant aussi bien les images fixes que mouvantes, son approche – en partie de détective et en partie de monteuse – interroge des images qui entrent en collision, en multiplication, en super-imposition et en résonance, pour retracer des absences et remémorations inhérentes à ces images.
Son premier long métrage Les Trois Disparitions de Soad Hosni (70’ – 2011) considéré comme un classique contemporain, est internationalement reconnu et obtient de prestigieux prix. Son deuxième long métrage Le Champ des mots : Conversations avec Samar Yazbek (70’ – 2022) a obtenu le prix du meilleur film au festival du film de la Villa Médicis à Rome en septembre 2022. Depuis juin 2021, elle est artiste associée au CéSor, laboratoire d’anthropologie de l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales) campus Condorcet Paris France.
Fellow depuis 2022 à l’IMERA (Marseille), Rania Stephan y est accueillie autour de son projet de recherche « ARCHIVES DU FUTUR » . Ce dernier travaille à partir de la science-fiction produite dans les pays arabes du pourtour méditerranéen, dans la littérature, l’art contemporain et le cinéma. En vue : le développement d’un projet artistique personnel lié à ce genre, déjà abordé dans deux de ses films précédents, ainsi que dans un projet artistique intitulé « IN MY MIND’S EYE » présenté dans la foire d’art international contemporain FRIEZE à Londres en octobre 2022 (avec le concours de sa galerie Marfa’ Projects Beyrouth). Elle prépare une exposition avec cette dernière pour cette fin d’année autour de la science-fiction.
J’ai rencontré Rania à Montréal aux RIDM en 2023 où elle intervenait pour porter à la connaissance des festivalièr·es l’expérience du collectif Bidayyat, collectif pour le soutien aux documentaristes syriens en exil, fondé au Liban dès les premiers jours de la révolution syrienne.
La clarté de son regard, jamais résigné, nécessitait cette carte blanche autour de fictions spéculatives libanaises, réponses effrontées et joyeuses à la destruction. Si l’imaginaire de la science-fiction est trop souvent colonisé par les grands chantres du néolibéralisme, comment cette dernière peut-elle résister ? A rebours des superproductions spectaculaires ou dominantes, elle produit ici des mondes parallèles, des trouées, des contaminations à partir d’une joie de la fabrique du cinéma dans son rapport au temps, au montage, au cadre, à l’archive et à l’invention qu’autorise l’économie de moyens.
Comment s’écrit la science-fiction au Liban ? Pourquoi ce glissement terminologique de la science-fiction aux fictions spéculatives ? Qu’engage-t-il en termes cinématographiques ? Et de mondes ?
Cette programmation offre quelques pistes d’exploration, du fantasme de l’espace vers les réseaux souterrains de nos égouts, dans des modes d’écritures multiples, mais avec cette effronterie de penser que le cinéma est bel et bien une façon de traduire ce qu’on appelle le réel en justice.
Claire Lasolle
Lift off
de Rania Stephan | 2022 | Liban | 3 min
Dans la course à la Lune des années 50, le sentiment d’expansion spatiale était sous-tendu par une sphère domestique ancrée autour du téléviseur. Les femmes étaient ancrées dans ce cadre domestique, tandis que les hommes pouvaient décoller pour explorer l’espace. Il a fallu plusieurs décennies pour que les femmes soient envoyées dans l’espace sur un pied d’égalité.
La première femme à aller sur la Lune dans un film de fiction fut celle de Fritz Lang, La Femme sur la Lune (1929). Dès qu’elle descendit du vaisseau spatial et posa le pied sur la Lune, elle installa sa caméra et commença à filmer. Mais cela n’a pas encore eu lieu. À ce jour, aucune femme n’a posé le pied sur la Lune. Malgré les progrès considérables de la science spatiale et des voyages, la distance entre la réalité de la science spatiale et la science-fiction reste fascinante. Dans cette œuvre, les films et séries télévisées de science-fiction se mêlent à de véritables instructions données aux astronautes d’aujourd’hui, qui passent des heures à visser minutieusement des boulons pour réparer des stations spatiales très sophistiquées.
Threshold – Liminal
de Rania Stephan | 2018 | Liban | 11 min
Entièrement tiré d’un vieux film de science-fiction égyptien intitulé The master of time, réalisé par Kamal el Sheikh en 1987, qui raconte l’histoire d’un scientifique illuminé voulant prolonger la vie humaine, Threshold est construit sur l’intuition que si le film original était vidé de tous ses éléments fictionnels, ne conservant que les plans de transition mettant en scène des portes, des portails et des passages de frontières, il révélerait sa quintessence : son obsession de l’éternité. Bien que l’intrigue soit évacuée du film, la fiction s’infiltre suffisamment pour que le spectateur en saisisse les fils narratifs. Le spectateur rejoint le personnage principal, M. Kamel, en se retrouvant coincé à la fois dans l’espace et dans le temps, réalisant ainsi la prophétie du scientifique.
Last days of the man of tomorrow
de Fadi Baki | 2018 | Liban | 30 min | Vostfr
De son manoir, une jeune réalisatrice exhume Manivelle, un automate offert au Liban en 1945. En se promenant dans Beyrouth, le robot raconte sa tumultueuse histoire, qui est aussi celle de son pays.
Archives du futur
de Giorgio Bassil | 2023 | Liban | 16 min | Vostfr
Plusieurs objets mystérieux apparaissent dans différents endroits. À l’intérieur se trouvent des lentilles de contact blanches qui offrent des vues d’un monde lointain. Après les avoir essayés, trois personnes décrivent, à travers des témoignages, ce qu’elles ont vu et ressentis.
Secret Garden
de Nour Ouayda | 2023 | Liban | 27 min | Vostfr
Guidées par les illustrations d’une botaniste, deux femmes cherchent dans Beyrouth un jardin caché, invisible à l’œil. Le jardin est non localisable, il est en fait partout et nulle part à la fois. Au hasard de la ville et des plans collectés par une caméra parfois affolée, le jardin se découvre. Les plantes font irruption dans les cadres et dans la ville. La cinéaste cherche ce qui subsiste ici, ce qui vit au-delà de la ville ou peut-être qui vivait avant elle ou qui vivrait sous elle. À mesure de la progression, Beyrouth nous parvient par moments comme celle que l’on trouverait après un désastre, après une destruction lointaine. Une ville où la vie reprend, où les trous des explosions auraient été pansés par des plantes vivaces. La caméra fouille, scrute et nous propose peu à peu de voir les plantes comme des créatures ou des apparitions étranges. Elles sont capables de grimper, de ramper, de survivre partout. Un suspense étrange s’installe alors que les deux protagonistes cherchent une créature féline apparue là, entre les fleurs de Beyrouth. Les plantes se chargent elles des inquiétudes de cette ville qui s’est drapée dans une nouvelle vision : les plantes rassurantes sont devenues conspiratrices et entament une lente mutation. Ce suspense questionne l’avenir. Et alors que les jardins sont des refuges pour les dissidents, les résistants, les recherchés ou celles et ceux qui tentent de fuir, à qui se fier dans la ville-bocage ? Qui envahit vraiment Beyrouth ? Un jardin peut-il exploser ? Où est-ce que ce sont les tiges de cet aloe qui forment l’image figée d’une explosion ? Ce jardin peut-il être un refuge pour cette ville et ce film, la recherche d’une trêve ? »
(Clémence Arrivé – Cinéma du réel)
Resilience overflow
de Lara Tabet | Liban | 2023 | 16 min | Vostfr
Dans Resilience Overflow l’élaboration d’une souche bactérienne génétiquement modifiée pour produire le gène de la résilience questionne les modes d’alliances possible entre l’humain-e et le microbiologique, en collaboration avec le laboratoire de microbiologie moléculaire environnementale du centre national de biotechnologie de Madrid. La bactérie, isolée de l’intestin de l’artiste, est génétiquement modifiée pour incorporer et produire le neuropeptide humain Y, un gène lié à la résilience humaine, et devient une usine microscopique de production de médicaments. Le projet spécule sur la libération de la souche dans le système d’eau de Beyrouth, questionnant ainsi la résilience en tant que prétexte politique et examinant le rôle de l’individu en l’absence de l’État ainsi que les modes d’alliance possibles entre le monde humain et le monde microbiologique.
Informations pratiques
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La billetterie ouvre 30 minutes avant le début de chaque séance.
Nous pratiquons le prix libre (chaque personne paie ce qu’elle veut/peut/estime juste).
Nous croyons au prix libre comme possibilité pour chacun·e de vivre les expériences qui l’intéressent et de valoriser le travail accompli comme il lui paraît bienvenu. L’adhésion à l’association est nécessaire pour assister aux projections, elle est accessible à partir de 8€ et valable sur une année civile.
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