20h30

Jade

de William Friedkin, 1995, USA, 1h32, VOSTFR

 

San Francisco. David Corelli enquête sur le meurtre du millionnaire Kyle Medford.
Une prostituée le met sur la piste d’une certaine Jade, une insatiable nymphomane fréquentant les hautes sphères. Mais elle est assassinée avant d’avoir pu l’identifier.
Des indices troublants orientent Corelli vers son ancienne amie, Trina…

L’histoire de Jade est banale: un mari trompe sa femme. Mais comme celle-ci n’est pas du genre à renoncer aux plaisirs de la vie, elle se construit une double identité : psy le jour, prostituée de luxe la nuit. Ça pourrait être un vaudeville, mais avec le metteur en scène de French Connection, on sait d’avance que c’est tout le contraire qui nous attend. Les protagonistes ici sont chics, riches, et déterminés à le rester, même quand ils sont rattrapés par le meurtre. Avec Jade, Friedkin a, une fois de plus, choisi l’option thriller pour dérouler son histoire, genre qu’il affectionne et qui lui réussit fort bien quand il nous entraîne jusqu’aux frontières poisseuses du Bien et du Mal.

Son talent hors norme émerge lors d’une grande scène de poursuite en voiture. La séquence, presque un mini-film, fait jaillir les forces vives de son cinéma : plaisir sadique de la rupture et du déséquilibre, suspense moins construit sur le mode du compte à rebours qu’envisagé comme une affaire purement charnelle.

L’insatiable goût pour l’ambiguïté de Friedkin fait de lui un cinéaste singulier dans un paysage de plus en plus conformiste.

 

 

Entretien avec William Friedkin

Le décor des premières scènes est chargé de milliers d’objets, qu’est-ce que vous vouliez dire ?

Je voulais donner l’idée de rituel, du mythe. L’homme qui est assassiné dans cette première scène est un collectionneur de masques et d’objets rituels. A un certain niveau, le film traite de masques et de dédoublement de la personnalité. C’est aussi une manière pour moi de suggérer que les gens très riches aux Etats-Unis sont les artisans de leur propre mort, dans cette façon qu’ils ont de vénérer l’argent, le pouvoir et le sexe. Je parle aussi de mort spirituelle. Cette combinaison des trois éléments mène le système judiciaire et politique aux Etats-Unis. Regardez le procès Simpson: c’est la preuve qu’une personnalité de poids, un héros de l’Amérique, en l’occurrence, peut être acquittée d’un meurtre.

L’autre thème du film, c’est la frigidité féminine ?

Oui, ici c’est une femme qui est frigide avec son mari. Elle est accro au sexe, mais personne ne la satisfait. Aujourd’hui, les femmes américaines pensent que pour briser les liens sexuels qui, d’après elles, les ont rendues dépendantes des hommes, il leur faut prendre l’initiative, le contrôle, en matière de sexe. Peut-être ont-elles tort, mais c’est en tout cas ce qu’elles ressentent. C’est déjà vrai dans le domaine du business. Les féministes américaines visent à donner le pouvoir aux femmes, non pas l’égalité. Elles pensent, et je partage leur avis, que l’homme a tenu le pouvoir pendant trop longtemps et que le résultat est catastrophique: la corruption est partout dans les affaires et dans la politique. Peut-être qu’on aurait abouti au même résultat avec des femmes au pouvoir ? C’est possible, mais l’expérience n’a jamais été tentée.

Pour en revenir au cinéma, regardez, par exemple, comment sont tournées la plupart des scènes sexy, c’est toujours la femme qui se déshabille. Et les rares hommes qu’on voit à poil dans les films le vivent très mal, ils ont la sensation d’être utilisés comme des objets sexuels. Mais avec Linda (Fiorentino), nous avons pensé que si son personnage se projetait dans le rôle dominant, il fallait intervertir les rôles, c’est pourquoi, dans Jade, les hommes sont déshabillés, soumis, et Linda garde ses vêtements.

Vous êtes d’ailleurs assez dur avec vos personnages masculins, par exemple cette scène où Chazz Palmintieri fait la preuve, en trois minutes, qu’il est loin d’être l’amant idéal qu’il s’était vanté d’être …

 

 

La plupart du temps, les hommes sont effectivement des menteurs et des vantards. C’est, en tout cas, ce que je ressens quand je les entends parler entre eux et quand j’entends les femmes parler d’eux. Je crois que les hommes américains traversent en ce moment une très mauvaise passe. Ça vient de beaucoup de choses: d’abord des défaites que l’Amérique a essuyées en Corée et au Viêt-nam. Les Malouines ou la Grenade n’étaient qu’un exercice bidon, comme la guerre du Golfe qui n’était destinée qu’à servir de tremplin pour promouvoir la candidature de George Bush à la Maison Blanche. En ce moment, aux Etats-Unis, l’homme se sent petit à petit privé de son autorité, de son pouvoir et du respect, bref de tout ce qui assurait à l’Amérique son statut de superpuissance. Résultat: l’Amérique ne bronche pas pour la Bosnie parce qu’elle a peur de se ramasser une veste comme au Viêt-nam. Jusqu’à l’arrivée de Richard Nixon, le président des Etats-Unis était considéré comme une figure mythologique, aujourd’hui c’est fini. C’est pourquoi, dans le film, j’ai montré un gouverneur qui se fout de l’idéologie, du bien-être des autres, de sa mission de service public. Non, lui, ce qui l’intéresse, c’est l’argent, le pouvoir, et le sexe. Nos élus ne songent qu’à s’enrichir. Il reste très peu d’espoir.

Source : Libération 29 novembre 1995

 


Le programme complet de la rétrospective

Friedkin Connection : une rétrospective

Du mardi 29 janvier
au dimanche 3 février 2019

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