Édito

 

 

 

 

L’École de cinéma documentaire et de théâtre de Marina Razbezhkina et Mikhaïl Ougarov est l’un des phénomènes les plus marquants du cinéma et du théâtre documentaire indépendants russes. Elle a été créée à Moscou en 2009 et elle a dû fermer ses portes en 2022.

Cette école est connue pour ses méthodes dites de la “Zone du serpent” et de la “Position zéro”, dont la tâche est de rapprocher l’auteur au maximum de la réalité.

La “Zone du serpent” est née de l’expérience personnelle de Razbezhkina : lors d’une expédition avec des biologistes, elle devait observer des serpents et trouver une distance sûre — « la Zone du serpent » — à laquelle l’animal n’attaquerait pas. De la même manière, dans leurs œuvres, les réalisateur·ices de cette école cherchent la limite de la réalité à laquelle iels peuvent s’approcher des histoires de leurs personnages ou oser raconter les leurs.

La « Position zéro » implique un renoncement aux jugements moraux et un changement d’optique, où le centre du récit se déplace du regard de l’auteur·ice vers la réalité telle qu’elle est.

Les méthodes de Razbezhkina et d’Ougarov visent à créer un espace intime — un lieu où différentes expériences peuvent se croiser. Pour créer cette intimité, les réalisateur·ices conçoivent leurs films en solitaire. Iels captent le rythme singulier du personnage et de sa vie de l’intérieur. Iels saisissent un quotidien imprégné d’une autre temporalité, loin du tempo idéologique.

Au fil de cette programmation, cette notion d’intériorité nous est donc apparue comme centrale pour aborder les cinq films sélectionnés : ici se tissent des récits intimes, à contre-courant des discours officiels et des représentations normatives. Des récits portés par une attention patiente, une écoute radicale, un refus du spectaculaire. Une attention au quotidien qui ébranle les récits dominants pour proposer des contre-histoires, tout à la fois sincères et fragiles.

Les films réunis ici explorent des terrains variés : la jeunesse et ses désirs contradictoires, l’héritage idéologique et ses résurgences, les questions de migration et d’appartenance, les tensions entre mise en scène et réalité. Chacun, à sa manière, interroge la place de l’individu face aux structures qui l’entourent et le façonnent, et invente des formes de présence qui échappent aux récits dominants.

Ces gestes de cinéma viennent d’un intérieur brûlant, à présent presque inaccessible. Aujourd’hui, ces films ne sont plus montrés en Russie : ils débordent, dérangent, fissurent. C’est depuis l’exil, depuis cet « extérieur » qui les accueille, qu’ils circulent désormais et nous parviennent. À travers eux, une mémoire se préserve, une résistance silencieuse s’écrit, et l’intime redevient une manière d’habiter politiquement le monde.

Les films sélectionnés dans cette programmation ont été réalisés par de jeunes cinéastes âgés de 20 à 30 ans.

Selon les règles de l’école, sont interdits : la caméra cachée et, sauf exceptions, la voix off, l’interview directe, la musique, le tournage sur trépied, l’usage du zoom ainsi que celui des métaphores.

Les films diffusés ont été réalisés avant l’invasion russe de l’Ukraine en 2022.


Imaginaires Documentaires est un rendez-vous mensuel du Videodrome 2, autour de la diffusion de documentaires contemporains récents, qui poursuit une ambition de circulation d’œuvres remarquées et remarquables qui ne trouveraient pas le chemin des salles d’exploitation. Afin de créer un moment d’échange privilégié, les séances se font en présence des cinéastes.


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