Édito

 

 

On a dit du Western qu’il était le cinéma américain par excellence. Ajoutons qu’il est – ou était, à l’époque où tous les enfants jouaient aux cow-boys et aux Indiens – l’éducation au cinéma par excellence. Le genre est né en même temps que le cinéma américain, un cinéma tenu de captiver l’attention du public le plus large possible. Comme le disait Robert Aldrich, cinéaste purement américain : « Je ne suis pas dans le même bizness que Bergman ou Fellini ». 

Le propos du western concerne l’histoire et la géographie de ce qui est à l’ouest de la frontier. Ces vastes territoires qui, contrairement à l’Eastern civilisé, ne sont assujettis à aucun code législatif et où ne règne que la loi du plus fort, qu’il s’agisse d’un bandit de grands chemins, d’un puissant éleveur, d’un juge auto-proclamé ou d’une compagnie de chemin de fer. Voilà pour l’histoire. Pour la géographie, il suffit de savoir que, peu de temps avant le tournage de La chevauchée fantastique (Stagecoach) en 1938, J. Ford, vétéran de Hollywood dès les années 20, ignorait, sans doute tout comme son public, l’existence de Monument Valley, ce paysage grandiose qui servira de cadre à son chef-d’œuvre, ainsi qu’à sept de ses westerns ultérieurs.

Au cours de ses premières décades d’existence, le western exhibait des redresseurs de tort parfaitement bons et plus forts que des causeurs de tort parfaitement mauvais.  Les choses changent avec Stagecoach. Certains stéréotypes du genre sont toujours là (dilligence, attaque d’Indiens, réglement de compte final) mais, grande nouveauté, c’est à l’intérieur de la dilligence que se déroule l’essentiel. Lieu de relations complexes entre des personnages hétéroclites dont aucun, aux dires de Ford, n’est vraiment respectable et sur lesquels l’étiquetage du Vice et de la Vertu est chamboulé de fond en comble.

La voie initiée par Ford n’aura pas de postérité immédiate, la production de westerns, surtout ceux de qualité, chutant au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Mais dès le milieu des années 40, et le mouvement s’accentue dans les années 50, la leçon de Stagecoach sera intégrée et développée. Les héros peuvent être sans peur, ils ne seront plus sans reproches. Plutôt que d’être marqués du sceau indélébile du Mal ou du Bien, ils seront affectés d’un individualisme radical qu’explique leur passé, mais qui reste injustifiable. Tout proche du Mal, mais sans l’avoir vraiment atteint, il leur reste la possibilité de gravir les degrés qui les rapprocheront du Bien. C’est ce processus d’une ascension vers la morale qui sera décrit dans de nombreux westerns de cette époque. Il ne s’agit pas de rédemption mais de la conséquence de l’expérience des rapports humains. Cette ascension vers la morale est un préalable à l’institution de la vie en société, terme de l’entreprise de colonisation. 

La seconde leçon de Stagecoach a également été retenue.  Le western vient parfaire ce que les images fixes de la peinture paysagiste américaine du XIXe siècle révélaient. Un plan large en Cinémascope d’un cavalier isolé dans les immenses paysages vierges de l’Amérique du Nord suffit à combler le spectateur. 

Éric Audureau

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