Pour clore le cycle, nous avons choisi de partir dans les Carpates, vers la douce folie du « pays des Goutsouls, terre oubliée des dieux ».

Le cinéma de Sergueï Paradjanov est un univers. Comme tous les cinéastes présentés dans ce cycle, il est un artiste novateur, incompris et un peu fou, qui a œuvré à une nouvelle esthétique de l’image en mouvement.
D’origine arménienne, il a tracé un chemin de traverse, en s’éloignant des codes du cinéma réaliste et socialiste du cinéma soviétique de l’époque. Il a d’ailleurs souffert dans sa chaire de cet écart, puisqu’il a été emprisonné pendant plusieurs années, accusé d’anti-soviétisme. Le régime l’empêchera de toucher à une caméra pendant 15 ans. Les chevaux de feu est l’un de ses chefs d’œuvres, qui à l’instar du Triptyque élémentaire d’Espagne de Val del Omar ou les poèmes breton de Jean Epstein, plonge le spectateurs dans un monde suranné, à la fois magnifique et tragique.

Les chevaux de feu

de Sergueï Paradjanov – 1964, URSS, 1h37, VOstFR

Ce film est un drame poétique relatant l’histoire d’amour impossible entre Ivan et Marichka, inspiré des légendes populaires des Carpates.

Ce sont les studios Aleksandr Dovjenko à Kiev qui sont à l’origine de ce projet de film en proposant à Sergueï Paradjanov d’adapter une nouvelle de Mikhaïl Kotsioubinski, Les ombres des ancêtres oubliés. Ce film a été tourné dans les Carpates orientales, grâce à la collaboration des Goutzouls, une tribu montagnarde. Le récit du film est séquentiel : 12 chapitres déploient la vie d’Ivan et sa transformation physique et psychique. Les paysages et les éléments accompagnent chaque étape de cette histoire tragique, comme si les hommes et leurs émotions étaient fatalement liés à cette terre. Les images bouillonnent, la caméra danse, se rapproche, s’éloigne, tourbillonne. Nous entrons dans un monde fantastique allant vers le surréalisme. Comme dans le Triptyque élémentaire d’Espagne, on ressent une forme de mystique, où l’austérité de la religion fait place à une euphorie de danses, de chants et de rituels. Le réalisme fait place à l’onirisme et à la magie, et même à la sorcellerie et à la superstition.

Visuellement, Les Chevaux de feu font penser à une peinture. La couleur rouge domine, celle du feu et du sang, comme une métaphore de la cruauté du destin. Sergueï Paradjanov disait avoir demandé conseil à un vieux peintre des Carpates : «J’avais toujours été attiré par la peinture et je me suis habitué à considérer chaque cadre cinématographique comme un tableau indépendant.»

(Source : Critikat)

 

« Paradjanov décrit des rites, des couleurs, des traditions médiévales, la force brute des éléments. Pour répondre à son ambition, un film doit être comme un objet artisanal, aux facettes multiples, reflétant le folklore, les coutumes, les rites quotidiens, l’inconscient et le conscient d’un peuple : ici les Goutzouls des Carpates. Souvent, la caméra court dans tous les sens comme si le temps pressait et aller manquer pour mener à bien cette quête à la fois poétique et ethnologique. La fantasmagorie ciselée en esthète par Paradjanov est d’une beauté étrange et précieuse, due en partie à son authenticité plastique aussi bien que musicale. » (Ciné-Club de Caen)


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