Wechma (Traces), de Hamid Bennani, considéré comme fondateur de la cinématographie marocaine, ouvre la voie. Dans ce film à l’atmosphère pesante, qui s’intéresse plus aux luttes internes des personnages qu’à leurs actions, suit le parcours d’un orphelin, Messaoud. Adopté à huit ans par un couple ne pouvant pas avoir d’enfant, il ne parvient pas à s’adapter aux règles de la cellule familiale et, plus tard, à la loi qui régit le système social de l’époque, entre religion et tradition. Cette tragédie sociale retranscrit le malaise de la jeunesse de l’époque et les thèmes universels de la fureur de vivre et de la rébellion des opprimés.

Ce n’est que 20 ans plus tard, en 1993, que Hamid Bennani pourra réaliser son second long-métrage : La prière de l’absent. Adapté du roman éponyme de Tahar Ben Jelloun, ce film raconte la vie de Mokhtar, jeune homme cultivé épris de raffinement, issu d’une famille bourgeoise de Fès, pendant la résistance et la lutte pour l’indépendances dans les années 50. Bien involontairement, il sera à l’origine de la déchéance de Yamna qui devra payer le prix fort pour recouvrer dignité et liberté.
Le troisième film de ce coffret est le seul et unique long-métrage d’une grand poète et romancier marocain : Ahmed Bouanini (par ailleurs monteur du film Wechma). Réalisé en 1979, Le mirage est une fable douce-amère qui commence par une scène muette. Un homme seul dans un champ lance violemment des pierres contre un ennemi invisible. Nous sommes dans le Maroc de 1947 sous protectorat français. Dans une petite bourgade, un homme découvre de l’argent dans un sac de farine. C’est le début de la fable entre silence et cri, entre hier et demain, qui s’achève comme une désillusion.

Les casablancais d’Abdelkader Lagtaâ, utilise les ficelles de la comédie et du suspense pour dresser un portrait polyphonique des habitants de Casablanca et donner la mesure des contradictions d’une population cernée par les dangers. Il dénonce avec subtilité un système fondé sur la suspicion, le mépris des droits et la répression des moeurs.
Enfin, Le cheval de vent de Daoud Aoulad Syad, réalisé en 2001, raconte l’amitié entre Tahar, un vieil homme qui à la suite d’un rêve veut s’en aller mourir sur la tombe de sa femme, et Driss, un jeune homme à la recherche de sa mère. Aussi fragiles l’un que l’autre, ils vont traverser le Maroc en side-car, checun cherchant ses fantômes. Ce « road movie » intérieur, voyageant dans des paysages de silence, est lui aussi né d’une rencontre : entre le photographe Daouad Aoulad Syad et le poète Ahmed Bouanini que nous avons cité plus haut, et dont les mots viendront emporter ce récit : « Le Cheval de vent est une parabole picaresque. À l’errance, je préfère la quête. Toutes les histoires commencent par un voyage : voyage vers un horizon plus clément, voyage au bout de soi-même. Rien n’est trop sombre, tout est clair-obscur. Le poétique et le fantastique naissent d’emblée de la réalité. »

 

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