Premier film du jeune réalisateur chinois Gan Bi, Kaili Blues fait partie des films qui nous ont marqués cette année, et qui n’ont que trop peu croisé le regard des intéressés. On connaît la chanson des films d’art & essai et de leur distribution souvent insuffisante (Le Monde en faisait état ici au moment de la sortie de Kaili Blues), mais il nous a semblé que la singularité de l’œuvre et les 26 ans (!) de son auteur au moment des faits suffisaient pleinement à justifier une projection de rattrapage, 6 mois après sa sortie officielle.


Kaili est une petite ville de la province du Guizhou, en Chine, région natale de Gan Bi. L’attachement aux lieux filmés n’est pas le seul élément qui permet de déceler ici une certaine dimension autobiographique : les techniciens et acteurs qui participèrent à l’entreprise sont pour la plupart des amis, des anciens camarades d’école de Gan Bi, ou simplement des gens de la région. Le film est nourri des histoires personnelles de chacun, et, de l’aveu de l’auteur, l’écriture des personnages s’inspire toujours de la vie des acteurs, et les différents poèmes disséminés ça et là sont ceux que le réalisateur n’a jamais pu publier sur papier.

Mais si l’ancrage dans le réel est fort, le film s’aventure plus volontiers vers les sphères troubles du rêve éveillé. La trame narrative se résume en quelques lignes : un médecin de Kaili, qui, on le comprend à quelques récits allusifs, a fait un séjour en prison autrefois, décide de prendre en charge le fils délaissé, puis abandonné par son frère, selon le souhait formulé par sa mère avant qu’elle ne meure. Peu avant qu’il parte à sa recherche dans une ville voisine, une collègue âgée lui confie quelques objets à remettre, sur son chemin, à son ancien amant.

Dès le départ de Kaili, les déambulations de notre médecin à travers la campagne humide et lourde seront surtout l’occasion d’un cheminement intérieur, et d’allers-retours incessants entre différentes strates du temps, entre passé et présent. Tout semble ici régi par l’inefficacité et l’inaction : les véhicules capricieux qui refusent systématiquement de démarrer au quart de tour, l’étrange balade cyclique d’une fille lors du long plan-séquence à Dangmai, ou encore la reprise d’une comptine pour enfant (que l’on entendra une première fois dans sa version originale) par un groupe de rock qui en fera une exécution on ne peut plus molle et bancale. Mais cet engourdissement et cette lenteur des choses est la source de la force du film. Car Kaili Blues invite le spectateur à l’abandon, le même abandon qui mène à la rêverie, et cherche à faire ressentir plus qu’à raconter, et c’est là qu’il excelle. La moiteur de l’air de l’Asie du Sud-Est, par exemple, qui semble épais, palpable, tant il est chargé d’humidité, est rendu à l’image par mille jeux de reflets sur les surfaces humides – murs, flaques… – et contribue à un portrait sensoriel des lieux visités, subjectivés et déréalisés. On tend vers l’onirisme, enfin, lorsqu’à d’inquiétantes rumeurs d’hommes sauvages rôdant dans les environs, s’ajoutent de légers décalages qui nous font perdre nos derniers repères. Le médecin se fait couper les cheveux par la coiffeuse, qui, quelques minutes plus tôt, annonce qu’elle ferme boutique pour la journée. Weiwei, le neveu du médecin, dessine un cadran solaire sur un mur de l’appartement sans fenêtre. Plus tard, on verra ce cadran fonctionner, à la lumière d’on ne sait quel astre. Le conducteur du scooter qui mènera notre médecin à Dangmai lui dit qu’il n’y a pas de gare là-bas, et plus tard le son du passage d’un train semble étonner les habitants de la petite ville…


 

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