Mardi 7 juin à 20h30
Videodrome 2, 49 Cours Julien, 13006 Marseille
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En collaboration avec le Bus 31/32
En parallèle du programme « Conférence Addictions / migrations »
organisée au Pharo par le Respadd et le Bus 31/32 les 7 et 8 juin.

 

The Connection
Shirley Clarke – 1961, États-Unis, 1h50, VOstFR
Dans un appartement de Greenwich Village huit junkies, blancs et noirs, un réalisateur et un cameraman attendent l’arrivée du dealer d’héroïne dont ils sont tous en manque: Brother Cowboy, leur connexion. Les drogués présentés ont acceptés de se laisser filmer par un documentariste en échange du paiement de la prochaine livraison de drogue. Sont alors filmées dans un huis-­clos tout en noir et blanc l’attente, les dialogues et les angoisses des toxicomanes ponctuées par des parties de jazz brut invitant le spectateur à se laisser prendre dans une frénésie de vie composée par Jackie McLean au saxophone alto, Michael Mattos à la basse, Freddie Redd au piano et Larry Ritchie à la batterie.

Shirley Clarke, une danseuse blanche et bourgeoise troque la danse pour le cinéma après y avoir consacré un court-métrage en 1953 (Dance in the Sun) et s’en va vivre parmi les outsiders du rêve américain afin de les filmer. Elle se retrouve au cœur d’une Amérique invisible des grandes fresques Hollywoodiennes, participant aux mouvements de la contre-culture comme Jack Kerouac et ses livres, baignant dans les mouvements Beat Generation et Be-Bop, dans le cinéma expérimental et l’art contemporain. Figure du Nouveau cinéma américain équivalent de la Nouvelle vague française, dont John Cassavetes était la figure la plus reconnue, Shirley Clarke établit a posteriori une trilogie consacrée aux oubliés de l’Amérique des années 1960 avec ses films : The Connection (1961), The Cool World (1963) et Portrait of Jason (1966).
The Connection est le premier long-métrage de la cinéaste. Inspiré d’une pièce du Living Theatre (la plus vieille compagnie de théâtre expérimental des États-Unis, basée à New-York) écrite par Jack Gelber qui fût rapidement interdite par la censure, The Connection est directement présenté en 1961 au Festival de Cannes et reçoit un accueil chaleureux du public.

Le film se présente sous la forme d’un faux documentaire qui prend appui sur une mise en abyme de la réalisation du film même, rejouant les questionnements relatifs à la possibilité de capter la réalité et instillant de ce fait, par un aller-retour permanent entre fiction et réalité, une douce confusion.

« Tout, depuis le régime sonore diégétique jusqu’aux regards caméras, ancre cette séquence d’ouverture dans le registre du documentaire. Très vite pourtant, le « réalisateur » intervient. Avide de saisir la « vraie » vie de junkies cloîtrés comme des rats dans une cage moisie, tuant les heures et espérant qu’arrive enfin la « connexion » qui doit leur délivrer la dose tant attendue, l’énergique documentariste ne trouve pas cette morosité somnolente assez cinégénique. Jeans retroussés sur ses converses et Bolex en mains, Jim Dunn incarne le prototype du jeune metteur en scène fringant et pétri d’idées préconçues, qui entend bien faire jouer aux junkies leur propre rôle, quand bien même celui-ci n’aurait rien à voir avec leur réalité. Ceux-ci se plient sans enthousiasme à ses lubies et se résignent à sa présence invasive, tandis qu’il s’active, les bouscule, leur braque un projecteur en plein visage… Pas sûr que la formulation un peu laconique de cette critique du cinéma vérité atteigne toujours son but. Le caractère uni-dimensionnel du personnage du documentariste, véritable élément comique du film, manque parfois d’une épaisseur qu’il acquiert finalement contre toute attente quand, cédant à la curiosité et à l’invitation des autres l’enjoignant à vivre l’expérience qu’il se propose de filmer, il s’injecte de l’héroïne et devient lui-même indifférent à son propre film.

Aux spectateurs qui, à l’instar du jeune cinéaste à l’affût d’images chocs, voudraient assister au triste spectacle de toxicomanes rongés par le manque, Clarke offre en miroir le spectacle de leur propre avidité, de leur voyeurisme bon ton, et leur refuse un cinéma d’attractions. Sans « Freaks show » ni « Sioux dance », les personnages de The Connection, loin de se livrer en pâture comme l’espérait naïvement Jim Dunn, interpellent directement le spectateur pour lui demander ce qu’il est venu chercher dans ce film, quelle vérité il espère trouver. La « connexion » qui donne son titre au film et à la pièce désigne alors moins l’intermédiaire qui doit venir livrer l’héroïne qui soulagera les corps engourdis que cette relation atypique qui s’établit avec le spectateur, ce face-à-face sur fond d’improvisation de jazz qui bouscule sa sécurité et lui dévoile sans cesse les procédés et trucages de la fiction en cours. Selon la formule percutante de Jonas Mekas, The Connection apparaît comme l’« En attendant Godot de la drogue », une attente qui tourne à vide et perd la trame du but vers lequel elle tendait.
L’ambiguïté, dans le film de Shirley Clarke, ne se situe plus simplement au niveau de l’interprétation des rôles : qui est toxicomane ? Qui est comédien ? Qui joue sa vie et qui joue un jeu ? Elle relève du jeu de miroirs que se renvoient le documentaire et la fiction. À quelle objectivité le documentariste peut-il prétendre quand il place sa caméra au milieu d’un groupe auquel il n’appartient pas ou bien quand il se propose de filmer une expérience dont il ignore tout ? Quelle vérité se trouve à la portée de la caméra ? Dans quelle mesure le réalisateur intervient-il, même à son insu, et modifie-t-il la situation qu’il filme ? Que produit la fiction quand elle s’invite dans le documentaire et inversement ? « Je n’étais pas aussi intéressée au propos de la drogue que je ne l’étais par le film lui-même, ou la forme potentielle de ce film » racontera plus tard Shirley Clarke. Et c’est bien en effet sur les contradictions et les limites du regard documentaire que la cinéaste s’appesantit : après avoir reproché à ses « personnages » de ne pas être assez coopératifs alors que, leur rappelle-t-il, il les a payés pour qu’ils se fournissent en drogues durant une semaine, Jim Dunn n’a-t-il pas le culot d’aller déclarer, comme une profession de foi : « I am just trying to make a honest, human documentary » ?
> Lire l’article en entier : Alice Leroy pour Critikat

:: Un éclairage 
Depuis le XVIIIème siècle, les drogues sont soumises à un contrôle étatique dont l’objet varie selon les lieux et les époques. Tantôt il s’agit de favoriser l’usage de drogues dans un but commercial (comme pour le vin) ou fiscal (comme pour le tabac en métropole, l’opium et le cannabis dans les colonies françaises). Tantôt il s’agit de limiter l’usage des drogues, au nom de considérations morales et religieuses ou de la santé publique. Le sort de l’usager, sa santé, ne sont préoccupation majeure des politiques publiques que depuis peu, au milieu des années quatre-vingt- dix.
Le débat public et politique sur les drogues, en France est donc particulier et complexe. Nous assistons régulièrement-ce qui est bien différent d’un débat à des alertes de type sanitaire ou sécuritaire […] Lancées par le gouvernement ou des experts, coproduites par les médias (presse, télévision), elles portent tantôt sur la dangerosité des consommations des « jeunes », sur la diffusion de la cocaïne ou du crack, l’extension des trafics dans les cités dites « sensibles », les violences et homicides qui leur sont attribués. Il est aussi régulièrement question du rôle et de la violence des organisations criminelles et des réseaux de trafics à l’échelle nationale et internationale.
Ainsi tous les politiste en conviennent : la mise sur l’agenda politique n’est, dans bien des cas, pas strictement liées à la gravité objective du problème considéré, mais partiellement déterminés par les compétitions politique du moment.

La réduction des risques :
Une définition :
Le message anglo-saxon pragmatique de la réduction des risques est le suivant : « Si vous le pouvez, ne vous droguez pas. Sinon, essayez de sniffer au lieu d’injecter. Sinon, utilisez une seringue propre. Sinon, réutilisez la vôtre. Au pire, si vous partagez une seringue, nettoyez là à l’eau de Javel ».

La politique de réduction des risques se caractérise par quelques fondamentaux du point de vue de la démarche. Elle valorise la capacité des individus à se prendre en charge. La réduction des risques consisterait ainsi à leur proposer des mesures de santé adaptées à leurs besoins, et non pas imposées de l’extérieur. La réduction des risques fait appel à une dimension pragmatique de santé publique (Lert, 18 Définition tirée de l’Institut National de la Santé et de la recherche Médicale (INSERM) : réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues, démarche collective, Juin 2010, 62, Pages 1998) qui prend en compte la trajectoire de l’usager de drogues (Coppel, 1996) et ses conditions d’existence pour répondre à ses besoins (Jauffret-Roustide, 2004). Du point de vue philosophique, la réduction des risques opère un changement paradigmatique fondamental qui rompt avec l’idéal d’éradication des drogues et propose plutôt d’apprendre à « vivre avec les drogues » tout en promouvant la notion de mesure à la place de l’abstinence (Ehrenberg, 1996). Ce changement permet ainsi de dépasser une vision moralisatrice des drogues et de mettre en œuvre une approche fondée sur le non jugement (Stafford, 2007).

La réduction des risques postule la responsabilité des usagers de drogues et invoque leur capacité à modifier leurs comportements si on leur en donne les moyens (Jauffret-Roustide, 2004 ; Moore et Fraser, 2006), c’est-à- dire l’accès à des outils leur permettant de limiter les risques liés à la consommation de drogues. Ce postulat signifie une représentation spécifique de l’usager de drogues et du rapport aux drogues à partir des notions de responsabilité individuelle, d’autonomie, de rationalité des comportements et de participation citoyenne aux politiques publiques (Fraser et Moore, 2008 ; Jauffret-Roustide, 2009). La réduction des risques contribue ainsi à la promotion d’un discours spécifique autour de l’individu, du rapport au corps, et à la place accordée aux usagers de drogues dans la société.

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2€ pour les séances jeune public

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