Dans un mouvement vers des formes alliant littérature et image le Videodrome 2 donne carte blanche à Pierre Guéry (poète, écrivain, traducteur) et à Boris Nicot (cinéaste et auteur). Ce cycle en carte blanche s’intitule « Chili : utopies, clivages et trahisons – autour de l’œuvre documentaire du cinéaste Patricio Guzman » et se déroule du mercredi 25 au dimanche 29 janvier 2017. Il sera repris du 21 au 25 février 2017.
« Je me souviens du 11 septembre 1973, jour sombre où l’Amérique fomenta un coup d’État pour abattre la révolution pacifique et démocratique qui se construisait dans mon lointain pays, le Chili, éliminant son président de la République, Salvador Allende, ce « fils de p.. » comme se plaisait à le dire Richard Nixon. Je n’oublierai jamais la brutalité de la dictature alors mise en place pour plus de 17 années, années de souffrance, de mort, d’exil et d’écrasement de la mémoire. Il est temps de se souvenir, car un pays sans passé ne peut pas avoir de futur. » Patricio Guzman


20h (entrée 5 euros + 3 euros d’adhésion la première fois)

Nostalgie de la lumière

de Patricio Guzmán – 2010, Chili/France/Espagne/Allemagne, 1h30

Au Chili, à trois mille mètres d’altitude, les astronomes venus du monde entier se rassemblent dans le désert d’Atacama pour observer les étoiles car la transparence du ciel est telle qu’elle permet de regarder jusqu’aux confins de l’univers. C’est aussi un lieu où la sécheresse du sol conserve intacts les restes humains : ceux des momies, des explorateurs et des mineurs. Mais aussi les ossements des prisonniers politiques de la dictature. Tandis que les astronomes scrutent les galaxies les plus éloignées en quête d’une probable vie extraterrestre, au pied des observatoires, des femmes remuent les pierres, à la recherche de leurs parents disparus…

« J’ai connu le désert d’Atacama il y a longtemps, à l’époque d’Allende. J’y filmais les mines de salpêtre et de cuivre et j’ai été très impressionné par le paysage. C’est un lieu unique. C’est comme la planète Mars. C’est vide, il n’y a rien. Il n’y a ni insectes, ni animaux. À l’époque où Arte avait une collection intitulée « Voyages, voyages », il m’est venu l’idée de leur proposer un film sur Atacama. Je me suis rendu compte que c’était une case limitée, donc finalement je n’ai pas travaillé pour ce programme, mais j’ai commencé à réunir des éléments autour d’Atacama. Ce territoire est grand comme le Portugal. Énorme. Et vide. Il y a très peu d’habitants. C’est à la fois la solitude et l’absence de vie. Il n’y a rien, mais il s’y trouve malgré tout une grande histoire. Pour moi, le point central était ces femmes âgées qui recherchaient les corps de leurs proches. C’était cela la motivation principale de mon œuvre. J’étais attiré par ces personnes. Mais il y avait aussi ce monde magique autour de l’astronomie, les étoiles, les momies, les animaux pétrifiés. Il était évident qu’il y avait là de quoi faire un film. Il y avait l’histoire, les objets, la matière. Le problème était que les histoires étaient disjointes : les momies, les géologues, les astronomes, les mineurs… Il fallait les croiser. Donc j’ai commencé à faire des croisements pour raconter une histoire. Je pense que sans histoire, on ne peut rien faire. Il est fondamental de raconter une histoire de la façon la plus simple possible, sans complication. Ce n’est ni un film anthropologique, ni archéologique, ni historique, ni militant, bien qu’il touche tous ces champs. »

 

Propos de Patricio Guzmán recueillis par Véronique Pugibet et Constance Latourte à Paris, le 13 avril 2015.


L’édito des programmateurs ::

La recherche des traces est consubstantielle à la lutte de Patricio Guzman, cinéaste indigné qui consacre sa vie à dénoncer ce coup d’État et son oubli. Dans son œuvre, la trace la plus infime, la plus anodine est l’objet d’une quête incessante car elle peut encore subsister lorsque tout est détruit. Peut-être les traces deviennent-elles alors la seule chance pour qu’une mémoire se constitue et qu’un récit collectif vienne relever l’horreur, parer au risque de son retour, panser les plaies, établir un terrain sur lequel une justice puisse être rendue ?

Depuis ce moment à la fois cruel et matriciel que fut pour lui, personnellement, le tournage de La Bataille du Chili et le coup d’État de 1973, Patricio Guzman mobilise et agence, au fil de ses différents opus, plusieurs palliatifs à l’oubli proprement cinématographiques. Inlassablement il reconstruit le lien entre passé et présent, nous conviant à une nécessaire relecture de l’histoire pour maintenir l’Histoire récente du Chili vivante. Être citoyen, être cinéaste sont pour lui les deux faces d’une même pièce, et filmer est également une façon d’analyser le développement et les conséquences de la répression infligée par la dictature, c’est-à-dire du terrorisme d’État.

Ce cycle sera l’occasion de découvrir ou de reparcourir l’œuvre indispensable d’un cinéaste majeur.

Il offrira aussi des temps de parole, de lecture et de débat nécessaires à la compréhension historique et politique d’un pays où l’Unité Populaire, démocratiquement élue en la personne de son leader Salvador Allende, a été violemment écrasée par le coup d’état du 11 Septembre 1973 : une répression sanglante et un recul sans précédent, portés par une bourgeoisie réactionnaire et par l’armée, avec la complicité diplomatique et financière des États-Unis qui voyaient là une occasion rêvée d’y installer rapidement un laboratoire et un étendard d’économie et de politique ultra-libérale en Amérique Latine.
En nos temps géopolitiques plus que troublés depuis qu’un autre 11 Septembre tristement célèbre (2001) a mis le feu aux poudres sur l’échiquier international ; à l’heure où diverses formes de populisme aux relents fascistes gagnent dangereusement du terrain dans de grandes nations pourtant emblématiques de la démocratie ; à l’heure où ces mêmes populismes font leurs choux gras de la montée des intégrismes religieux et des cassures sociales pour imposer des idées et des actes toujours plus individualistes et sécuritaires, il ne nous semble pas inutile de nous retourner, collectivement et face écran, sur un des régimes occidentaux les plus durs des cinquante dernières années, afin de comprendre comment un terrorisme d’État peut advenir en démocratie, et comment une dictature illégitime peut durablement et profondément affecter tout un pays même lorsqu’elle est déclarée officiellement morte.
Dans le regard qu’offre cette importante rétrospective, nous trouverons ensemble, peut-être, un peu de force, de souffle et de pensée pour affronter nos Hydres contemporains.

C’est ce à quoi le cinéma documentaire de Guzman, toujours en (r)évolution, nous engage.

Politiquement.

Poétiquement. »
Boris Nicot et Pierre Guéry


 

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