Fidèle à sa volonté de faire découvrir les joyaux de la culture allemande, le Goethe Institut Marseille accompagne et propose régulièrement depuis plus d’un an des œuvres cinématographiques au public de Videodrome 2. Cette fois-ci, l’œuvre de Werner Nekes, sur une proposition d‘Annabelle Aventurin, sera à l’honneur en deux temps avec Diwan (70’s), anthologie lyrique en cinq épisodes“ et Uliisses (80’s) voyage homérique à travers l’histoire cinématographique. Depuis 40 ans, Werner Nekes est connu comme un des plus grands pionniers cinématographiques du film expérimental allemand. Il est le fondateur de la « Hamburg Film Coop » en 1967, le cofondateur du Filmbüro NW en 1980 et du ICNC (Centre International pour le Nouveau Cinéma) à Riga en 1988. Son travail a fait le tour des plus grands musées et des festivals, parmi lesquels le Museum of Modern Art de New York et la Dokumenta de Kassel.


Ayant étudié la linguistique, intéressé par l’histoire des objets optiques, inspiré du cinéma expérimental structurel américain (Paul Sharits, Tony Conrad, Ernie Gehr…), auteur de nombreux textes théoriques sur le cinéma et plus particulièrement le montage, Werner Nekes nous a légué une œuvre riche et complexe qui travaille le médium film, testant ses limites et développant une „machine à rythmer le temps“. Le cinéma est un art cinétique, art du mouvement. Werner Nekes soutient que tout film repose sur deux mécanismes conjoints : un fait technique et une activité psycho-physiologique au cours duquel le spectateur anticipe la formation de l’image suivante, de l’image d’après. La relation kinétique se définit par la formation d’une image subjective qui n’est pas impressionnée sur la pellicule : les images à l’écran reposent sur une absence que le spectateur vient combler par son imaginaire et c’est cette relation que Werner Nekes interroge à travers la lumière, des coupures et des jeux avec les obturateurs. La plupart de ses films se sont fait connaître par l’emploi d’anciennes techniques cinématographiques, des superpositions d’images ou des mises en scènes provenant de la littérature ou de la photographie. „Lichteratur“, composite de “littérature“ et l’allemand „Licht“ (lumière) désigne l’approche de suivre la lumière et ses reflets, le visible et ce qui est rendu visible à travers la caméra.

Ach wie gut, dass niemand weiss (Comme c’est bon que personne ne sache)
de Noemi Schneider & Daniel Vogelmann – 2009, Allemagne, 25 min, VoSTFR

 

 

 

 

 

 

Depuis 40 ans, Werner Nekes est connu comme un des plus grands pionniers cinématographiques du film expérimental allemand. Son œuvre est abondante de techniques raffinées, qui ne doivent être retravaillés voire coupées voire simulées. Pour découvrir comment ses métamorphoses et effets de miroir fonctionnent, les étudiants de film Noemi Schneider et Daniel Vogelmann ont rendu visite au célèbre réalisateur à Mühlheim an der Ruhr. Le film accompagne Werner Nekes sur son voyage à travers le monde inépuisable du langage cinématographique et présente quelques techniques à travers des extraits de ses films.

 

Diwan
de Werner Nekes – 1973,  Allemagne, 1h25, VOstFR, 16 mm

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En tant que „anthologie lyrique en cinq épisodes“, Diwan est un film où l’humain s’intègre à une nature impressionnante. Werner Nekes manipule le paysage et réussit à fuir le rythme du temps, même s’il travaille avec un médium qui impose une certaine chronologie. Le lyrisme sensuel et le mysticisme s’expriment ici à travers une poétique de l’espace où choses et gens se confondent et s’indifférencient. Le film permet de repenser la relation entre montage horizontal et vertical, et ses répercussions sur le hors-champ qui produisent un effacement des motifs par recouvrement, un malaxage kaléidoscopique du visible, un éclatement de la vision. Les processus de remémoration et d’anticipation du spectateur sont perturbés.

« Diwan (1973),  emprunte son titre à l’oeuvre célèbre de Hafiz (et aussi au Divan occidental et oriental de Goethe, peut-être): de même, en effet, que le doux Persan réunissait dans son Divan d’hétéroclites casidèhs, terdjibends ou moukattaats, et en faisait une sorte d’almanach ou de pot-pourri poétique. Nekes met ensemble dans les cinq parties de ce film-somme des morceaux très divers études qui évoquent ses premiers films, ou chutes (dirait-on) de T-WO-MEN, et c’est comme si, tandis que ce précédent film les avait fondus en un chef-d’oeuvre para-narratif inégalé, tous ces éléments anciens étaient ici redisséminés, dans l’apparent désordre (dans le savant désordre) d’un carnet d’esquisses. Il y a cependant dans Diwan une cinquième partie qui parait tout à fait nouvelle dans l’oeuvre de Nekes et qui marque admirablement le point où il en est. »
Dominique Noguez

Les cinq parties sont :
1. sun-a-mul, 16mn (1974)
2. alternatim, 15mn (1973)
3. kantilene, 17mn (1973)
4. moto, 16 mn (1973)
5. hynningen, 20mn (1975)

Dialectique de l’apparition/ disparition à l’écran : montage vertical et horizontal :

Werner Nekes subdivise l’opération du montage (lors de l’assemblage du métrage tout comme au moment du tournage) en deux techniques distinctes, qu’il appelle respectivement « montage horizontal » (désignant les liens relationnels et différentiels entre deux photogrammes, qu’une coupe intervienne ou non) et « montage vertical » (désignant la superposition des images au sein d’un photogramme, mécanisme généralement exclu du domaine du montage).

 

Werner Nekes sur son cinéma :

« Le langage est en quelque sorte le reflet de la pensée. Mon vocabulaire, ma grammaire déterminent ce que je peux penser. Quand je fais des films, c’est mon vocabulaire d’images qui est déterminant. L’information filmique la plus petite est exprimée dans les paramètres X, Y, qui marquent la hauteur et la largeur d’une image. Parallèlement j’ai le paramètre t, le temps. Je dois différencier entre le temps accumulé dans une image et le temps qu’il faut pour que ces deux différentes entités d’information fusionnent en une information filmique pour le spectateur. Ce qui est présenté aux spectateurs n’est donc pas une réalité, mais seulement la fiction d’une réalité, et plus précisément d’une réalité filmique. J’ai dénommé le plus petit élément possible de l’expression filmique « kine ».
Pour moi, le « kine » est la collision de deux images. Une seule image me donne une information photographique. Ce n’est qu’à partir de deux images que j’ai une information filmique. J’ai l’image A qui se fond avec l’image B. Le terme de « montage »  est parfaitement inadéquat, car il ne détermine ou souligne que certains passages précis du film, mais en fait j’ai des fusions en permanence. Il est absurde de parier de 12 fusions/ seconde ou de montage permanent, car dans un film les images entrent continuellement en collision, et j’ai constamment un travail précis à accomplir dans ma tête. Ce travail, cet effort que je dois accomplir consiste à prévoir chaque fois l’image suivante, En tant que cinéaste, je travaille donc avec la probabilité de voir apparaître une valeur informative, Plus la probabilité de cette apparition est réduite, plus j’ai de travail à fournir. Si une image est presque identique à celle qui la précède, je n’aurai évidemment pas grand chose à faire. Le travail que je fais dans mes films porte sur cet effort. Dans des films tels que Vis-à-vis, Muhkuh, j’ai travaillé avec la plus petite différence, et le spectateur fait l’effort de se mettre lui-même dans le film. Dans d’autres films, j’ai rompu l’unité des espaces et l’unité du temps en faisant se fondre différents temps et différents espaces. (…)
Le « kine » est un modèle d’enregistrement du temps et de l’espace, qui entrent en collision. Si je modifie l’unité de temps enregistrée, je peux parler par raccourcis en filmant en accéléré, ou alors par extension en filmant au ralenti. La prise de vues et leur projection est donc une simulation de notre capacité biologique de perception. On pourrait faire ici un parallèle avec d’autres réalités biologiques telles qu’on les retrouve chez certains animaux : la mouche, par exemple, a une perception dix fois plus rapide, elle serait donc réceptrice d’une autre réalité filmique. Si je travaille à l’encontre des conditions biologiques fondamentales, j’obtiens un nouveau champ d’expression filmique. L’imagination résulte de la collision des différentes unités de temps.
Nous pouvons donc parier d’unités de mémoire susceptibles, lorsqu’elles fusionnent, de déclencher ce qu’on peut nommer la fantaisie du spectateur. Si j’expose plusieurs fois la même pellicule en la faisant repasser dans la caméra pour obtenir une surimpression double ou multiple, j’ai d’une part une lecture horizontale, dans laquelle se produisent les fusions, d’autre part l’axe vertical, à l’intérieur duquel les fusions se sont déjà produites au-dedans d’une image. (…) L’imagination est donc le produit de l’accumulation d’unités de temps. En regardant le « kine », je peux avoir l’illusion d’un mouvement si la collision se produit entre des images relativement semblables, et si elles le sont moins, je verrai une fusion des formes, une simulation de la forme et de l’espace. Si je filme des sujets différents et que je les laisse se succéder rapidement, j’ai la possibilité de créer une sorte de parole filmique ou une interprétation filmique. Plus les images sont différentes, plus j’aurai de travail à fournir pour leur trouver un sens commun. Il est envisageable qu’on parvienne a élaborer une sorte de tableau -devinette filmique du monde, ou à créer différents modes d’accès pour permettre de saisir les multiples aspects complexes du monde. Les scribes chinois, par exemple, écrivaient une phrase qui pouvait être interprétée de sept manières. On obtiendrait ainsi une relativisation de notre perception ou un reflet plus précis de nos facultés de réflexion. »


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