Dans ce premier volet du cycle « Des cinémas d’Afrique(s) » concocté par l’équipe du Videodrome 2 avec l’aide précieuse de Sofi Delaage, nous avons choisi de commencer par le début, avec des films de la première génération de cinéastes africains. Les cinémas d’Afrique(s) sont divers, et cinq séances ne suffisent évidemment pas à en montrer la richesse. Les films de ce cycle ont en commun d’être des chefs-d’œuvre qui nous ont marqués en tant que spectateurs/trices, et qui montrent d’autres images d’un continent médiatiquement mal traité.


19h

Yeelen

de Souleymane Cissé – 1987, Mali, 1h46, Copie 35 mm

 

Yeelen retrace un parcours initiatique à une époque non définie. Un jeune homme va recevoir le savoir destiné à lui assurer la maîtrise des forces qui l’entourent, cette connaissance que les Bambaras se transmettent depuis toujours. Le père ne supporte pas de voir son fils renier ce pourquoi il vit avec les autres sorciers du désert.

 

 

« Grand film épique, Yeelen, comme les grands westerns américains, mêle paysages somptueux, haines familiales et fautes individuelles ou encore, comme les tragédies arthuriennes ou shakespeariennes, fait des fautes individuelles le reflet des dérèglements de la nature et des pouvoirs.

Djigui, ayant vu dans un cauchemar son pays réduit à l’esclavage, il est vraisemblable que l’action se situe au XVIIIe siècle, juste avant la traite des noirs. Les cartons introductifs se contentent de situer l’action dans un temps légendaire :

« Le Komo est, pour les Bambaras, l’incarnation du savoir divin. Son enseignement est basé sur la connaissance des signes, des temps et des mondes. Il embrasse tous les domaines de la vie et du savoir. Le Kôrê est la septième et dernière société d’initiation bambara. Il a pour symbole le vautour sacré « Mawla Duga » oiseau des grands espaces et de la chasse, de la guerre, du savoir, et de la mort. Son emblème est un cheval de bois, symbole de la diligence de l’esprit humain, son sceptre une planche ajouré appelé Kôrê, « kaman  » ou Aile du Kôrê. « Kolonkalanni » ou pilon magique, sert à retrouver ce qui est perdu, à découvrir et châtier les brigands, les voleurs, les criminels et les parjures. L’aile du kôre et le pilon magique sont en usage au Mali depuis des millénaires »

Le film démarre vraisemblablement par un flash-forward. L’enfant qui vient porter la chèvre devant la statue de Niankoro est probablement son fils, celui que l’on retrouve à la fin, s’en allant seul et fragile dans un pays promis à l’esclavage. Cette fragilité est due à la dureté des pères qui n’ont pas su transmettre leurs pouvoirs à leur fils, les aveuglant, tels Djigui dès qu’ils souhaitent acquérir la connaissance. Souma se montre plus cruel encore envers son fils.

Il est toutefois possible que la faute soit partagée par les deux parents. Mah fait preuve d’une étrange colère lorsque sont fils l’interroge sur le fait que son père l’a bien épousé pour avoir un enfant. Et, lorsque Souma pénètre dans la case vide, il appelle son fils, bâtard. Peut-être Mah est-elle partie en emportant l’œil du Koré pour le remettre à Djigui, le vrai père de Niankoro. Cette faiblesse devant l’appel du sexe est répétée par Niankoro qui, au lieu de soigner la femme du roi, en fait sa maîtresse. Alors que le dieu de la chasse lui avait promis la gloire, c’est de son fils seulement que l’on peut attendre une fragile transmission, au travers des temps de l’esclavage, jusqu’à aujourd’hui. Niankoro serait une sorte de Perceval, pur mais faible devant la femme du roi, qui devra attendre de son fils la conquête du graal.

 

Yeelen obtint le prix du jury au festival de Cannes 1987. Cet accessit (plus un encouragement qu’une récompense car quatrième prix derrière la palme d’or, le grand prix du jury et la meilleure mise en scène) fut le premier prix attribué par le festival à un film africain avant qu’Un homme qui crie ne reçoive le même en 2010. »

Jean-Luc Lacuve (Ciné-club de Caen)


21h

Hyènes

de Djibril Diop Mambéty – 1992, Sénégal, 1h50, Copie 35mm

Colobane, une petite cité endormie dans la chaleur poussiéreuse du Sahel, fantôme d’une ville au charme foudroyé par la misère. On annonce le retour, après trente années d’absence, de Linguère Ramatou, devenue multi-millionnaire, « plus riche que la Banque mondiale ». Linguère arrive en train, majestueuse et vêtue de noir et or. La foule se précipite avec au premier rang Draman qui fut jadis son amant. Linguère confirme qu’elle va faire pleuvoir ses largesses sur la ville et lui redonner vie à une seule condition : que Draman soit condamné à mort, car il l’a autrefois trahie…

Conte cruel sur la corruption et la lâcheté, réflexion sur le pouvoir de l’argent et métaphore de l’Afrique dépendante de l’aide occidentale. L’histoire est la revanche d’une femme blessée qui règle ses comptes et celle de l’Afrique spoliée qui dictera un jour ses conditions: «Le monde a fait de moi une putain. Je veux faire du monde un bordel.»

Une adaptation littéraire

« Avant Hyènes, l’adaptation filmique de La visite de la vieille dame (de Friedrich Dürrenmatt) (1955) a été faite au moins à cinq reprises. La sixième adaptation est le film de Mambéty, réalisé en 1992 et considéré comme l’adaptation cinématographique la plus réussie comme le souligne Heizmann :
« De toutes les adaptations que la Vieille dame de Dürrenmatt a connues, c’est celle du cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambéty qui est le mieux parvenue à offrir une cure de jeunesse à son modèle, tant le metteur en scène a su actualiser celui-ci tout en lui donnant une touche très personnelle. Pour cette raison, elle est un exemple tout désigné pour illustrer ce qu’est le véritable dialogue interculturel, elle apparaît comme un modèle de rencontre entre l’universel et le particulier, la Suisse projetant son reflet sur l’Afrique en même temps qu’elle en reflète l’image – en tant que miroir du capitalisme mondialisé ». (Heizmann 2011, pp. 109-124; p. 115) »

À l’analyse du scénario de Hyènes, il apparaît que le film reprend textuellement la thématique principale de l’histoire créée par le dramaturge suisse. Dans le texte référentiel, il est question d’une vieille femme, Claire Zahanassian, revenue dans son village natal, Güllen, à la suite d’un long exil forcé, pour réclamer la tête de son ancien amant, Alfred Ill, qui avait refusé d’être l’auteur de sa grossesse. À cet effet, elle  offre cent milliards à la population de Güllen, frappée de plein fouet par une terrible pauvreté. Déclinant en premier lieu l’offre de Claire Zahanassian, perçue comme contraire aux valeurs et vertus humanistes de la ville, les habitants de Güllen finissent par l’agréer en tuant Alfred Ill. »
(Cheikh Anta Babou, in Du texte au film : L’adaptation cinématographique de La visite de la vieille dame par Djibril Diop Mambéty)

Les acteurs

Ami Diakhaté campe une Linguère Ramatou intraitable, irrésistibe dans ses habits de femme de pouvoir de retour dans son village natal. Quelle ironie quand on sait que Djibril Diop Mambéty l’a découverte sur un marché de Dakar alors qu’elle vendait de la soupe. Quant à Mansour Diouf, il joue le flamboyant Draman qui jusqu’au bout restera digne devant l’ingratitude de ses anciens amis. Le film Hyènes restera pour ces deux acteurs le rôle de leur vie ! (www.africavivre.com)

Le réalisateur

Djibril Diop Mambéty est né en 1945 à Colobane près de Dakar. Il étudie tout d’abord l’histoire de l’art et le théâtre à Dakar, puis joue dans plusieurs productions et pièces de théâtre italiennes et sénégalaises. En 1969, il tourne son premier court métrage, Contras? City, un documentaire sur la ville de Dakar, suivi en 1970 par Badou Boy, un moyen métrage humoristique relatant une course poursuite entre un jeune des rues et un policier. Touki Bouki fut montré à Cannes en 1973 et reçut le prix de la critique internationale à Moscou. Après Parlons Grand-mère (1989), qui documente le tournage de Yaaba par Idrissa Ouedraogos, il réalise en 1992 Hyènes d’après l’oeuvre de Dürrenmatt « La visite de la vieille dame ». Le Franc (1994) et La petite vendeuse de soleil (1999) constituent les deux premières parties de la trilogie inachevée « Histoires de petites gens ». Djibril Diop Mambéty est décédé le 23 juillet 1998 avant d’avoir terminé le tournage.


 

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